Le voyageur maghrébin Ibn Battûta (1304-1377) appelle Sahra le vaste espace de « couleur fauve » qui s’étend en direction du Bilad es-Sudan (le Pays des Noirs), « où l’on marche pendant dix jours sans trouver de l’eau ». Ces ondulantes dunes orangées, douces aux sabots des dromadaires, évoquées par le voyageur musulman, ne sont pas tout le Sahara. Les regs, hamadas et autres plaines caillouteuses, ainsi que les adrars et les tassilis, montagnes escarpées aux pierres éclatées par la chaleur, font aussi partie du plus grand désert du monde.
L’eau et le vent
À toutes ces images, un trait commun, l’eau. Son action dans les temps anciens a façonné la diversité de ses paysages, et son absence à l’époque historique lui a collé son nom commun de désert. Dans le sud, cette désertification gagne sur la savane, formant le Sahel (l’isohyète de 250 mm d’eau annuels est descendu de 200 km en mille ans). C’est dans cette zone intermédiaire, bien distincte et mouvante, où se sont rencontrées les influences du Maghreb musulman et du Soudan* animiste (terme signifiant en arabe « le pays des Noirs » ou Soudanais, ce qui qualifiait les terres au sud du Sahara), qu’a émergé l’histoire du Sahara.
Avec la conquête de l’Algérie par la France à partir de 1830, le simoun, le sirocco, le khamsin et l’harmattan soufflent sur la littérature du 19e siècle, et les paysages grandioses admirés à l’occasion d’une escapade « dans le Sahara » se voient attribuer le vent comme génial créateur. « Désolés ! », leur répondront plus tard des scientifiques à l’imagination moins poétique. Si le vent peut transporter des poussières sahariennes jusqu’en Amérique, tapisser le fond de l’Atlantique et agglutiner des grains minuscules pour créer des dunes hautes comme des collines, ce n’est pas lui qui a taillé à la serpe les plateaux du Tassili des Ajjers ou les montagnes du Hoggar. Des fleuves sont passés par là.
La grande glaciation qui s’abattit sur l’hémisphère nord il y a une vingtaine de milliers d’années se traduisit au Sahara par une forte période aride, qui poussa les dunes jusqu’à la latitude de Dakar. Vers 9000 avant notre ère, une oscillation climatique de grande ampleur amorce la formation de vastes lacs tandis que des affluents coulent des massifs sahariens pour alimenter le Niger, le Nil et le lac Tchad. Des éléphants, des girafes et des bœufs sauvages sont gravés ou dessinés sur des rochers à côté d’étranges silhouettes humaines, et témoignent de ce que le désert d’aujourd’hui fut autrefois fertile.