Définir la Chine ? Question ouverte qu’heureusement le sous-titre clarifie un peu en renvoyant à son histoire. Selon Zhaoguang Ge, la Chine des Han s’est instituée comme un centre du monde (qui serait carré) sans frontières définies mais néanmoins entouré de peuples barbares (Tibétains, Mongols, Ouïghours, Miaos, Japonais et Coréens) au-delà desquels il n’y aurait que sauvagerie. La diffusion du bouddhisme, déplaçant le centre du monde sur le mont Mérou, entame cette représentation, et d’autres évènements ici examinés jouent ensuite dans le même sens. L’histoire chinoise aurait donc vu rivaliser deux représentations, celle d’une Chine centre du monde (« tout sous le ciel », tianxia), et celle d’un territoire doté de frontières fixes, un pays établi parmi d’autres. Cette alternative aurait aujourd’hui retrouvé une actualité géopolitique. C’est pourquoi ce livre, dont la version japonaise fut publiée en 2014 (avant les bases aux îles Paracels), se voulait déjà une critique de cercles intellectuels chinois prescrivant le renouveau du « tout sous le ciel ». Or, selon Zhaoguang Ge, cette conception est « fondée sur l’arrogance et l’autosatisfaction » ainsi que sur le « mépris des barbares ». « On peut même craindre de voir pointer une ambition hégémonique s’appuyant sur la force militaire et les richesses apportées par la modernisation », ajoute-t-il.