Le soufisme, un autre visage de l'islam ?

Adepte d’une voie mystique de l’islam, le soufi explore les sens cachés du Coran et recourt à des techniques de méditations, ascèses, chants et danses extatiques afin d’approcher Allah.

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L’islam clame haut et fort sa fidélité au plus pur des monothéismes et rejette sans appel les paganismes et la Trinité chrétienne : « Dis : Dieu est un. C’est le Dieu éternel. Il n’a point enfanté, et n’a point été enfanté. Il n’a point d’égal » (sourate Ikhlas, 112, Coran). La mystique musulmane (soufisme) s’inscrit dans cette voie, et professe l’unité et la gloire du Dieu unique (tawhid). Quête introspective, le soufisme cherche à aller au-delà du Coran, d’une part en encourageant une lecture approfondie de ce texte qui compléterait le sens apparent de ses versets et dévoilerait leur sens caché. D’autre part, en proposant des techniques de purification et de contemplation (par imitation du prophète Mahomet qui se retirait pour prier dans une grotte) et des rituels spécifiques.

Le soufisme se présente comme un corps de doctrines représenté, jusqu’au 13e siècle environ, par des ascètes isolés ou des petits groupes. Ensuite, il est de plus en plus cultivé dans le cadre d’organisations confrériques appelées tarikat/turuq (voies, chemins), qui s’implantent progressivement dans l’ensemble du monde musulman, du Maroc à la Chine. Le soufisme sert le monothéisme selon trois procédés : la prise de conscience par le symbole qui explique l’indicible, l’exercice de répétition et de contemplation appelé dhikr (remémoration), et la pratique d’un rituel (équivalent à une danse) qui fait « jouer » la réintégration à Dieu (encadré ci-dessous).

Le symbole et l’indicible

Le poète de langue persane Mevlana (13e siècle) compare le monde à la cuve d’un teinturier. Une cuve qui rend « l’absence de couleur » de l’être unique captive des couleurs de la multiplicité. Ainsi la réalité des choses, l’unité dont elles proviennent toutes, est-elle cachée à l’ensemble des hommes. Le symbole s’appuie aussi sur la musique soufie, puisqu’un barde turc du début du 20e siècle, Achiq Djemal, arrache, dans un geste symbolique fort, toutes les cordes de son luth pour n’en conserver qu’une seule, car, dit-il, « le cœur est un, l’ami est un et Dieu est Un ». Il précise ensuite dans une poésie mystique : « Une seule corde prouve la force de l’unité. »