Le syndrome de la chambre d'hôte

Leurs parents partaient élever des chèvres dans le Larzac. Les cadres d’aujourd’hui quittent leur entreprise pour ouvrir des maisons d’hôte. Crise de l’âge adulte ou choix rationnel ?

Pour dissuader ses lycéens de faire les Beaux-Arts, l’École du cirque ou un deug d’arts du spectacle, un proviseur avait coutume de leur raconter cette histoire : « J’avais deux copains. Ils adoraient tous les deux la montagne. Chaque week-end, ils partaient ensemble en randonnée dans les Alpes. Le bac en poche, le premier d’entre eux choisit d’en faire son métier. Il devint guide de haute montagne. Aujourd’hui, il gagne difficilement le smic. Les randonneurs sont rares, et souvent médiocres. À mi-parcours, il doit souvent faire demi-tour. Les sommets, il ne les voit jamais. À 40 ans, il est usé. Mon second copain fit des études de commerce. Il est devenu directeur financier dans une grande entreprise. Chaque vendredi, il s’envole vers les plus beaux sommets d’Europe. Il s’offre les meilleurs guides, gravit les montagnes, s’éclate… Lequel des deux assouvit le mieux sa passion ? » Grâce à cette anecdote, le proviseur s’enorgueillissait de n’envoyer aucun bachelier vers des filières bouchées. Seulement voilà : depuis trois ans, le proviseur a perdu son bagout. Car l’histoire a pris un tour inattendu. Le directeur financier, sans doute moins heureux qu’il l’affichait, a tout plaqué : son job, son entreprise, sa vie parisienne et son appartement cossu. Il a ouvert un gîte de randonneurs en Haute-Savoie… Ses enfants l’ont traité de fou. Lui se déclare enfin « en phase » avec lui-même.

Ce cas n’est pas isolé. Il suffit de se promener dans une campagne française pour prendre la mesure du phénomène. Des panneaux « chambres d’hôte » ont fleuri partout le long des routes. En vingt ans, leur nombre est passé de 4 500 à plus de 35 000, selon la direction du Tourisme du ministère de l’Emploi, qui ne recense que les maisons d’hôte labellisées par les principales organisations (Gîtes de France, Clévacances, etc.). Et chaque année, 2 500 Français créent un gîte rural, une aventure pourtant risquée.