Les ancêtres du gaz moutarde

Greek Fire, Poison Arrows and Scorpion Bombs. Unconventional warfare in the Ancient World Adrienne Mayor, Princeton University Press, 2022, £ 14,99

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L’un des douze travaux d’Hercule consista à éliminer l’hydre de Lerne, un serpent venimeux doté de neuf têtes, dont une immortelle et huit autres capables de repousser inlassablement. Après l’avoir terrassée, le fils de Zeus trempa ses flèches dans le sang vénéneux du monstre. Une égratignure accidentelle d’une d’entre elles suffit à abattre Philoctète, le meilleur des archers grecs mobilisés lors du siège de Troie. Ce n’est qu’un exemple. Adrienne Mayor, célèbre pour ses recherches sur les Amazones, montre dans ce livre que les textes de l’Antiquité abondent en références à des armes non conventionnelles et qu’il faut souvent les rechercher entre les lignes car l’usage en était honteux. Elle reconstitue ainsi la recette du scythicon, le poison dont les Scythes enduisaient leurs flèches : un mélange de venin de vipère et de bactéries extraites des excréments de ces reptiles, le tout mijoté dans du sang humain. Des archéologues ont confirmé l’usage d’armes inattendues, chimiques, animales, incendiaires ou bactériologiques. Une vingtaine de soldats perses asphyxiés en 256 de notre ère par un gaz à base de dioxyde de soufre concocté par les Romains ont été ainsi exhumés dans la forteresse de Doura-Europos. L’ingéniosité humaine en matière d’armes n’est donc pas nouvelle. En Grèce et à Rome, en Inde et en Chine, on a inventé des abominations bien avant l’époque moderne. Décernons une mention spéciale à ces cochons enduits de naphte enflammée propulsés contre des éléphants de guerre, et à ces récipients bourrés de scorpions lancés sur les assaillants.