Les animaux pensent-ils ?

La pensée animale est proche de la pensée humaine pour certaines capacités liées à la représentation, à l'abstraction et même au raisonnement. Il n'en est pas de même pour des processus cognitifs plus élaborés comme le langage.

«J e sais bien que les bêtes font beaucoup de choses mieux que nous, mais je ne m'en étonne pas, car cela sert même à prouver qu'elles agissent naturellement et par ressorts, ainsi qu'une horloge, laquelle montre bien mieux l'heure qu'il est que notre jugement ne nous l'enseigne. » 1

L'opinion exprimée par Descartes aurait pu sceller pour toujours le sort des animaux en les plaçant dans la catégorie des automates à laquelle le grand philosophe les a destinés. Il faut cependant rappeler qu'une telle préoccupation visait moins à exclure les animaux du domaine de la pensée humaine que de proposer une dissociation entre, d'une part, ce qui relève du fonctionnement automatique et de l'activité réflexe (le corps) et, d'autre part, ce qui est sous le contrôle de la pensée et de la conscience (l'esprit).

L'interrogation contemporaine concernant l'existence d'une pensée animale est d'ailleurs en partie issue de la problématique des réflexes. En effet, pour certains auteurs, les comportements des animaux ne sont que l'expression d'activités réflexes. Cette thèse a été longtemps soutenue par des éthologistes estimant qu'il y a chez les animaux des systèmes préprogrammés pour réagir à certaines stimulations dans l'environnement (les stimuli déclencheurs).

Une position divergente consiste à affirmer que les comportements des animaux ne résultent pas de simples réflexes, mais d'apprentissages plus ou moins longs et sont organisés selon des règles permettant flexibilité et capacité d'adaptation. Selon cette approche, la plupart des animaux possèdent des systèmes de traitement actif de l'information permettant l'adaptation à des changements dans l'environnement. Ils mettent en oeuvre des capacités cognitives variées s'exprimant dans la perception, dans l'apprentissage, dans la mémoire, etc.

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Deux grandes interrogations

De nos jours, l'éthologie cognitive et la psychologie comparée (de l'homme et de l'animal) tentent essentiellement de répondre à deux grandes interrogations : « Les animaux pensent-ils ? » et, si oui, « à quoi pensent-ils ? »

Voyons tout d'abord ce qu'il en est de la première question. Les chercheurs s'interrogent sur l'existence ou non de représentations dans les comportements animaux et tentent d'en cerner la nature. Il s'agit, à partir de données expérimentales solidement contrôlées, d'inférer la nature des processus cognitifs mis en jeu.

Si l'on définit la pensée comme la « construction de systèmes de représentations grâce à l'expérience », il est évident que de tels systèmes peuvent être détectés dans le comportement animal. On a, par exemple, mis en évidence la capacité de représentation sociale chez les animaux. Ainsi, Dorothy Cheney et Robert Seyfarth, professeurs respectivement de psychologie et d'anthropologie à l'université de Pennsylvanie, ont étudié des singes verts, les vervets, dans le parc d'Amboseli au Kenya 2. Dans un premier temps, ils ont enregistré les vocalisations spontanées de chacun des petits et ont ensuite attendu que l'un d'entre eux se trouve hors de la vue des femelles pour diffuser ces vocalisations à partir d'un haut-parleur dissimulé dans un buisson. Parmi d'autres observations, ils ont pu constater que les femelles regardent la mère du petit dont on diffuse les cris lorsque celle-ci ne s'oriente pas vers le haut-parleur. Il semble donc que les femelles peuvent associer le cri d'un petit à sa mère, et donc qu'elles possèdent une représentation de la relation entre un enfant et sa mère.