Entretien avec Jean Furtos

Les dimensions psychiques de la précarité

Vous dirigez l'Observatoire régional Rhône-Alpes sur la souffrance psychique en rapport avec l'exclusion (l'Orspere), devenu en 2000 l'Observatoire national des pratiques en santé mentale et précarité (ONSMP). Pouvez-vous nous expliquer sa mission ?

Les prémices de l'Observatoire débutent en 1993, avant sa fondation en 1996 ; il s'agissait de répondre à la demande de certains travailleurs sociaux confrontés à des catégories de la population socialement précaires (chômeurs de longue durée, Rmistes...) qui connaissaient des difficultés psychologiques. Ces personnes ont été orientées par les travailleurs sociaux vers les centres médico-psychologiques, mais les psychiatres, les psychologues, les infirmières ne savaient pas vraiment quoi faire : ces personnes ne demandaient rien et ne relevaient pas de pathologies mentales classiques.

Confrontés à ces nouvelles souffrances, les professionnels se sentaient incompétents. Notre mission a donc été d'abord d'articuler le social et le psychique, cherchant à comprendre et à produire des théories qui rendent compte des pratiques émergentes avant de les promouvoir.

Pour ce faire, nous travaillons avec les acteurs de terrain et leurs hiérarchies.

Vous défendez l'idée d'une clinique psychosociale. De quoi s'agit-il ?

La clinique psychosociale appréhende la souffrance psychique qui arrive sur les lieux du social. La grande caractéristique de cette souffrance est qu'elle ne fait pas l'objet d'une demande directe. Ces gens vont mal mais ne sollicitent pas une aide psychologique alors que, manifestement, il y a une dégradation de leur existence tant sur le plan social que personnel et familial.

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La clinique psychosociale se donne donc pour tâche d'aider des personnes dont les difficultés psychologiques se présentent comme des obstacles au travail social en terme d'insertion ou de réinsertion.