En 1492, trois civilisations étaient en mesure de dominer le monde : l’Empire ottoman aurait voulu mais n’a pas pu ; la Chine aurait pu mais n’a pas voulu ; l’Europe l’a emporté parce qu’elle l’a voulu et qu’elle l’a pu, estime l’historien Pierre Chaunu.
Dans un premier temps, on aurait pu croire que l’Empire ottoman allait l’emporter sur l’Europe, puisque les Turcs progressent dans les Balkans jusqu’au XVIIe siècle, avant de voir leur expansion arrêtée sous les murs de Vienne en 1683. Revenant sur ces événements dans Que s’est-il passé ?, l’historien anglo-saxon Bernard Lewis diagnostique que de multiples causes sont responsables de cet échec. Il incrimine notamment – au fil de développements contestés car se réclamant de la théorie du choc des civilisations – le conservatisme religieux de ces sociétés qui les aurait rendues et les rendrait toujours rétives à la modernité, à la démocratie et à la notion d’égalité hommes-femmes.
L’historien britannique Joseph Needham s’est penché quant à lui sur les raisons de l’échec chinois. Ce serait parce que l’Empire du Milieu aurait étouffé les initiatives des marchands, notamment à partir des années 1440, qui voient la fin des grandes expéditions maritimes qui ont permis au Chinois d’aller commercer jusqu’en Afrique orientale. Des auteurs estiment que la Chine savait produire de l’acier en quantité industrielle dès le xie siècle, quand il faudra attendre le XIXe siècle pour voir la même chose en Europe.
L’historien John M. Hobsons, dans The Eastern Origins of Western Civilisation, rappelle ainsi que les inventions qui permirent à l’Occident de s’imposer au reste du monde sont d’origine orientale : papier, imprimerie, billets de banque, poudre et canon, boussole… pour ne citer que ces exemples, sont ainsi des innovations chinoises améliorées (ou pour certaines peut-être réinventées ultérieurement) en Europe. Simplement, dans un contexte peu propice à l’innovation, ces technologies n’eurent pas le même usage : les boussoles servaient à des fins de divination tellurique plutôt qu’à la géographie.