La mission première de la science est de produire des connaissances sur la matière, le vivant et la société. Elle se fonde sur des hypothèses vérifiées, par des observations et des expériences, et soumises à une critique collective. Elle anticipe des crises comme le réchauffement climatique et découvre des moyens d’action. Aussi les travaux d’Emmanuelle Charpentier et de Jennifer Doudna, nobélisées en 2020, ont-ils ouvert la voie à des nouvelles techniques de manipulation génétique. L’intrication croissante de la science avec le progrès technologique lui fait donc jouer un rôle dans l’élaboration de politiques publiques, dans des domaines comme la santé, l’énergie, les transports, etc. Elle apporte une expertise dont la pandémie de coronavirus a encore montré l’importance, mais force est de constater que celle-ci est contestée.
Science et décision politique
Plus précisément, l’expertise apporte une aide à la décision politique, avec des données scientifiques avérées et en modélisant des phénomènes (l’évolution du climat ou d’une épidémie par exemple). Elle est un arbitrage entre le souhaitable (arrêter la progression d’une pandémie), le possible (l’efficacité potentielle d’un confinement) et l’acceptable par les citoyens (les contraintes d’un confinement). L’expert, doté d’une compétence spécifique dans son domaine de recherche, explicite le « possible », en donnant une forme intelligible et utilisable au savoir. Son rôle est d’autant plus difficile que ses hypothèses peuvent être incertaines : il est une sorte de « troisième homme » entre le chercheur et le politique, la prise de décision revenant à ce dernier.
En France, l’État a mobilisé, de longue date, l’expertise de scientifiques. C’était une des missions de l’Académie des sciences créée par Colbert, et de corps d’ingénieurs formés dans de grandes écoles, créées au 18e siècle – celles des Ponts et Chaussées, du Génie à Mézières, des Mines – puis de Polytechnique. L’académicien René-Antoine Ferchault de Réaumur, inventeur du thermomètre, fut ainsi chargé, en 1716, par le régent Philippe d’Orléans, d’évaluer les ressources minières de la France, cette « enquête du régent » fut la première expertise scientifique. Le développement de la science, au 20e siècle, suscita la création de nouvelles institutions : le CNRS en octobre 1939, le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) en 1945, l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), etc. Des agences ont reçu une mission spécifique d’expertise comme la Haute Autorité de santé (HAS) dans le domaine de la santé, et l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire) dans celui du nucléaire. Plus récemment, l’expertise scientifique est devenue internationale avec la crise climatique et le Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), créé en 1988, en est l’institution emblématique (encadré ci-dessous).