Les formes de l'État providence

Les origines

Le terme d'Etat providence est employé pour la première fois sous le Second Empire. Il est alors chargé d'une connotation polémique : ceux qui parlent d'Etat providence sont des libéraux qui voient d'un mauvais oeil l'extension des attributions de l'Etat. Par la suite, l'Etat providence s'émancipe de ce cadre polémique. Le terme devient descriptif et est employé pour désigner les divers systèmes de protection sociale de l'Europe industrialisée. C'est l'industrialisation et son corollaire, le paupérisme, qui sont à l'origine des institutions de protection. 

Le moment Bismark

Aussi curieux que cela puisse paraître, l'initiative vient d'un gouvernement conservateur, pour ne pas dire réactionnaire : le gouvernement du chancelier Bismarck, qui, il est vrai, reprend des propositions de la social-démocratie allemande. En l'espace de dix ans, trois lois entrent en vigueur qui posent les bases de la protection sociale moderne : la loi de 1883, instituant l'assurance maladie obligatoire pour les ouvriers à bas salaires ; la loi de 1884 sur l'indemnisation des accidents du travail ; la loi de 1889, enfin, qui donne naissance aux assurances vieillesse et invalidité.

L'Allemagne fait donc figure d'avant-garde. Elle fournit un modèle que ses voisins ne tardent pas à adopter. Dès la fin du xixe siècle, la Hongrie, le Danemark, l'Autriche, la Suède adoptent des législations comparables. Plusieurs autres vagues de ralliement ont lieu tout au long du siècle suivant, avec plus ou moins d'empressement. L'Angleterre attend 1911, suivie des Pays-Bas, de la France, qui sur ce terrain ne s'illustre pas par son audace (1930), et enfin du Japon (1945). L'Allemagne a donc ouvert une voie. Il y a dans l'histoire de l'Etat providence un « moment » Bismarck. 

Le moment Beveridge

Le Britannique Lord Beveridge, figure marquante du travaillisme anglais, est le promoteur d'un nouveau système de protection sociale. Son Livre blanc de 1942 est à l'origine des trois grandes lois de protection sociale d'après-guerre (le Family Allowance Act de 1945, le National Health Service Act de 1946, et le National Assistance Act de 1948). 

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À la différence du modèle bismarkien, le modèle beveridgien vise à ce que toutes les personnes dans le besoin, quelle que soit leur situation, soient prises en charge. Le système est fondé non pas sur l'assurance mais sur la solidarité. Autrement dit, le dispositif dépasse le groupe professionnel : il suffit d'être citoyen pour en bénéficier. Le droit à la protection couvre l'ensemble des risques sociaux et donne droit à une garantie de ressources minimales, quelle que soit la situation professionnelle (salarié, inactif, chômeur). Le mode de financement du dispositif est également spécifique. Les ressources proviennent non pas des cotisations versées par les employeurs et les salariés, mais de l'impôt.