Les formes élémentaires de la boxe

Dans son essai Les Jeux et les Hommes (1958), le sociologue Roger Caillois identifie quatre grands types de jeu. Certains impliquent de la compétition (« agôn », dans la classification de R. Caillois), à l’image des tournois d’échecs ou des courses en tous genres. D’autres dépendent principalement de la chance (« alea »), comme la loterie ou certains jeux de cartes. La troisième catégorie englobe les imitations et les arts du spectacle (« mimicry ») ; cela va de jeux de rôles élémentaires – « on dirait que je serais policier » – au jeu vidéo. La dernière forme de divertissement témoigne avant tout d’une recherche de vertige (« ilinx »), par exemple quand des enfants se poursuivent ou tournent rapidement sur eux-mêmes avant d’essayer de courir en ligne droite. Dans un beau livre en forme de Voyage au pays des boxeurs, le sociologue et pugiliste amateur Loïc Wacquant reprend cette classification pour montrer que la boxe illustre les quatre catégories à la fois. L’aspect compétitif est le plus évident puisqu’elle est un combat. Mais selon L. Wacquant, la confrontation sur le ring dépend aussi de l’aléa « plus que dans tout autre sport », car le facteur chance y est déterminant : « Chance d’avoir un entraîneur compétent, un manager bien connecté, un promoteur patient, chance enfin de “piocher” le bon opposant. » Le noble art est également un jeu de rôles, tant les compétiteurs se costument et font le show, souvent pour déstabiliser l’adversaire. Enfin « l’ivresse pugilistique (…) que les boxeurs comparent volontiers au coït » est connue de tous les praticiens montés sur un ring, qu’ils aient gagné ou perdu d’ailleurs. En ce sens la boxe apparaît comme une forme de jeu si fondamentale qu’elle les rassemble tous.