Pendant quelques jours, le skate a eu son heure de gloire sur la place de la Concorde lors des Jeux olympiques de Paris 2024. Ce coup de projecteur sur une pratique qui revendique sa liberté, voire affiche une certaine méfiance vis-à-vis des institutions, a éveillé la curiosité du public. C’est précisément à ce sport de glisse venu de Californie que Julien Laurent consacre son ouvrage.
Skateur lui-même, l’auteur s’appuie ici sur une enquête qui s’étale sur plus de trente ans, auprès de différents pratiquants, à Nice, à Montpellier, en Californie. Il y décrit un mode de vie et une philosophie qu’il qualifie de « DIY fuck off attitude » héritée du mouvement punk des années 1980 et réactualisée par le mouvement hip-hop la décennie suivante.
Au fil des pages, le sociologue décrit avec minutie les relations qui se nouent entre les skateurs et reposent sur un subtil mélange de défis ludiques et techniques. Autrement dit, il s’agit de réussir les figures (« tricks ») les plus complexes pour espérer avoir une place dans la communauté, sans pour autant se soumettre à des règles de classement trop formalisées.
La lecture interactionnelle de la microsociologie américaine – et notamment celle d’Erving Goffman – est ici précieuse pour comprendre la nature des rites qui définissent l’intégration au groupe : les techniques corporelles s’apprennent en observant. Il n’existe pas de répertoire universel qui serait transmis : il faut trouver son propre style. Et si le skateboard est bien une pratique individuelle, les acrobaties n’ont de valeur que si elles sont réalisées devant un groupe de pairs et admirées par un public, que ce soit dans la rue ou dans l’arène d’un skatepark.