Les grandes métamorphoses

Économie, territoires, modes de vie… Nous avons changé en profondeur depuis la fin des trente glorieuses. Sommes-nous à l’aube d’une nouvelle civilisation ?

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Si elles restent une référence centrale de notre imaginaire collectif, et notamment politique, les trente glorieuses appartiennent bien au passé. Depuis le milieu des années 1980, la France est entrée de plain-pied dans l’ère de la globalisation, des services, du numérique et de la mobilité. Cette « grande métamorphose », passée sous silence, a pourtant bouleversé notre société dans toutes ses composantes, économique, géographique, sociale mais aussi culturelle et spirituelle expliquent Jérôme Fourquet et Jean-Laurent Cassely dans une passionnante radiographie 1. La crise sanitaire a révélé les vulnérabilités de cette société hybride au plan économique, et fracturée au plan social. Elle pourrait bien accélérer l’ouverture d’un nouveau chapitre, estime le sociologue Jean Viard 2.

Activités productives
Les transformations de la structure de l’emploi

Masques, tests, jouets, etc. Le covid a mis en évidence de manière criante la dépendance à l’Asie pour de nombreux biens de consommation. Et l’ampleur de la désindustrialisation de la France, qui n’a cessé de s’accélérer depuis quarante ans. Depuis 1980, le secteur de l’industrie a perdu 1,4 million d’emplois, et a vu sa contribution au PIB tomber de 24 % à 10 % en 2019 3. Concurrence des pays à bas coût, mutations technologiques mal maîtrisées, évolution de la demande… Les causes sont multiples.

Ces quatre décennies coïncident également avec la fin des mines et le déclin rapide de la pêche et de l’agriculture, de plus en plus concurrencée à l’exportation (cartes ci-dessous). Entre 1987 et 2017, un peu plus d’un emploi sur trois (35 %) a disparu, et la moitié des 450 000 exploitations devraient subir le même sort dans les années qui viennent, alors que le renouvellement des générations n’est plus assuré.

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Dans le même temps, les services ont explosé. Le tourisme et les loisirs, avec la diminution du temps de travail, se sont fortement développés. La grande distribution a progressivement imposé sa domination, entraînant dans son sillage la construction de vastes infrastructures logistiques. Dopée par le développement du e-commerce, la « supply chain » représente aujourd’hui près d’un 1,8 million d’emplois. Au point que dans l’imaginaire collectif, l’ouvrier d’Amazon a remplacé l’ancienne figure du métallo. Cette tertiarisation s’est notamment traduite par une croissance du secteur des « services à la personne » (1,3 million d’actifs) : agents de sécurité, chauffeurs de VTC pour les hommes ; auxiliaires de vie, femmes de ménage, aides-soignantes pour les femmes. Des postes peu qualifiés, et souvent mal rémunérés, qui devraient encore se multiplier avec l’explosion de l’économie de plateforme et le vieillissement de la population 4.

La digitalisation en cours depuis une quinzaine d’années a produit un écosystème de start-up, essentiellement métropolitain et une nouvelle élite de jeunes diplômés. Ces nouvelles technologies ont révolutionné l’ensemble des secteurs, du tourisme à la santé, en passant par les transports. À la clef : des réussites économiques majeures, des nouveaux modes de vie, mais aussi une polarisation entre les métiers, les individus, et une tendance à l’externalisation qui fragilise le monde du travail.