Les ingrédients d'une guerre culinaire. Entretien avec Christian Boudan

Sciences Humaines : Pourquoi parler de « géopolitique » du goût ?

Christian Boudin : Parce que l'histoire des goûts et de leur évolution peut être vue comme celle de rapports de force entre des cultures culinaires. Il y a en outre une composante géographique importante puisque toutes les régions du monde ne sont pas égales devant l'abondance et la variété des ressources alimentaires. Ce sont les pays qui s'étendent sur des territoires riches en telles ressources qui ont pu développer de solides modèles culinaires.

Parler de géopolitique, n'est-ce pas aussi relativiser l'idée de métissage ?

De fait, le métissage au sens où on l'entend spontanément - un mélange sur base d'échanges pacifiques - est loin de s'être produit, du moins dans certaines parties du monde. Voyez la conquête de l'Amérique du Sud par les Espagnols. Cinq siècles plus tard, la cuisine des Amérindiens et celles des conquérants se sont juxtaposées sans vraiment se mélanger. Ceci étant dit, la conquête n'est pas le seul moyen de transformer les cuisines traditionnelles ; l'influence religieuse ou diététique, enfin le commerce peuvent tout aussi bien jouer un rôle important dans leur transformation.