Coachs, généalogistes, bibliothécaires, professions des musées... Il n'est guère de métiers qui, à travers leurs syndicats ou leurs associations, n'aient aujourd'hui édicté leur propre « code de déontologie », affichant les quelques grands principes que les professionnels s'engagent à respecter dans le cadre de leur activité. On sait cependant peu de chose sur cette « mode » de la déontologie, que ce soit sur son étendue (tous les champs professionnels sont-ils touchés et à quel degré ?) ou sur ses raisons : augmentation des litiges avec le public, appelant une régulation interne ? Stratégie commerciale visant à afficher le sérieux des prestations fournies ? Nécessité de marquer la spécificité d'un métier, en se démarquant ainsi d'éventuels charlatans ?
Toujours est-il que ce mouvement est profondément ambigu, car les codes ainsi élaborés n'ont souvent de déontologique que le nom. La spécificité de la déontologie, au sens strict, ne tient pas au fait de traduire en devoirs professionnels des « valeurs morales à vocation universelle » (probité, honneur, désintéressement...), ce que l'on retrouve aussi dans l'éthique professionnelle. Elle tient au mode de sanction des manquements constatés, qui est le fait d'« instances reconnues au sein des groupements professionnels (...). La sanction de la règle déontologique est donc un acte de contrainte socialement organisé, c'est-à-dire déterminé de façon précise, et dirigé envers le contrevenant selon une certaine procédure, par une instance spécialisée à qui a été confié ce pouvoir 1 ». Or ces instances n'existent pour ainsi dire jamais, en dehors de quelques professions libérales, historiquement organisées autour d'un ordre (médecins et spécialistes de la santé, avocats, architectes...) ayant un pouvoir de sanction pouvant aller jusqu'à la radiation. Cette forme d'autorégulation y est rendue possible par le fait que ce sont des professions « fermées », dans le sens où il faut un diplôme et donc une compétence spécifique pour l'exercer : ne peut être médecin que celui qui a suivi des études de médecine. Celui qui se prétend médecin sans en posséder le titre peut être poursuivi pour « exercice illégal ».
Une profession autorégulée ?
En France, le cas du journalisme illustre parfaitement cette ambiguïté. Voilà en effet un métier devenu central dans nos sociétés, sur lequel pèsent de nombreuses exigences morales (véracité de l'information, impartialité, distance critique, absence de collusions...), mais qui a toujours affiché très haut la volonté de s'autoréguler, c'est-à-dire surtout la volonté de ne laisser aucune instance ou autorité extérieure (public, justice) mettre son nez dans les questions de déontologie professionnelle. Ils sont nombreux à penser, comme Albert Du Roy, que « s'il faut un contre-pouvoir au pouvoir de l'information, c'est en son sein qu'il doit s'exercer2 ». Laissant donc supposer que la profession a su, à l'instar des professions libérales, se donner les moyens de cet autocontrôle. Or il n'en est rien : il n'existe actuellement en France aucun mécanisme interne permettant de sanctionner, ou simplement de débattre, des fautes professionnelles des journalistes. Ces derniers n'offrent donc pas plus de garanties de probité qu'un coach ou qu'un généalogiste.