On connaît maintenant assez bien la vivacité de l’activité scientifique japonaise. Dans la préface de L’Empire de l’intelligence (1), Pierrick Fillon-Ashida montre que le Japon est un nouveau laboratoire du monde, un pôle majeur du développement scientifique et technologique.
Qu’en est-il des sciences sociales japonaises ? Assez peu ont atteint une grande notoriété. Les économistes respectent les travaux de Masahiko Aoki, l’un des théoriciens de l’institutionnalisme (qui cherche à penser le rôle des institutions dans un cadre néoclassique).
La poignée de main invisible
L’itinéraire de M. Aoki résume bien l’esprit des sciences sociales japonaises. Après des études aux États-Unis, il devient professeur à Kyoto, crée le Journal of Japanese and International Economics, a présidé l’Association japonaise d’économie et préside aujourd’hui l’International Economic Association. Ses recherches portent sur les assises institutionnelles de l’économie. Il est notamment connu pour avoir modélisé deux schémas typiques d’organisation des firmes : les firmes H et J. Dans la firme H (comme hiérarchique), la coordination est verticale, la direction centralisée et les individus peu intégrés. Dans la firme J (comme japonaise), la coordination est horizontale, l’information circule d’un service à l’autre et les salariés sont fortement intégrés. M. Aoki a aussi mis en évidence la « poignée de main invisible » comme faisant partie du contrat de travail. Comme il est impossible entre deux contractants (le patron et le salarié) de tout négocier, de tout prévoir, la solidité du contrat repose, au final, sur la confiance.