Selon Pierre Manent, l’histoire politique de l’Occident est traversée par une grande question : comment nous gouverner nous-mêmes ? Née de la cité grecque, cette interrogation centrale de la philosophie politique n’a depuis cessé d’être posée. Au fil de son histoire, l’Europe voit se développer quatre formes politiques : la cité, l’empire, l’église et la nation. Pour P. Manent, la dynamique de l’Occident n’est cependant pas un mouvement de progrès orienté vers une fin. Il ne s’agit pas d’une histoire continue mais d’une succession de ruptures et d’alternances. La querelle entre les Modernes et les Anciens ne cesse d’y être réactivée, parfois au profit de ces derniers. La science politique grecque se développe avec la naissance de la cité, celle des Modernes part de sa dissolution, et la philosophie des Lumières désignera cette absence comme un « état de nature ». C’est pourquoi, pour l’auteur, seule la science des Anciens serait pleinement politique, c’est-à-dire une « science du gouvernement des hommes par les hommes ». Il écrit : « La science politique moderne, (…) tend à faire de nous les jouets de “causes” qui nous “gouvernent” ». À noter quand même qu’entre la naissance de la cité et les ruptures marquées par Luther et Machiavel, l’Europe vit ce que P. Manent appelle un « moment cicéronien ». Ce moment correspond à une période ou l’on hésite sur la forme à adopter, à l’image de Rome, à la fois cité et empire.
Les métamorphoses de la cité
Les Métamorphoses de la Cité. Essai sur la dynamique de l’Occident. Pierre Manent, Flammarion, 2010, 424 p., 23€