La place croissante prise par la santé dans les préoccupations des sociétés actuelles a amené les ONG à être particulièrement actives dans ce domaine. Si l'on se penche pour les quatre ou cinq décennies passées sur la scène de l'action des ONG pour la santé, des évolutions notables ont profondément modifié le paysage.
Des activités missionnaires à l'urgence médicale
Trois périodes peuvent être distinguées : la première s'étend de 1970 à 1985, lorsque la santé se situait dans un projet global de développement, incluant aussi l'éducation et l'agriculture. La santé supposait le développement, celui-ci supposait la santé. La deuxième période se caractérise, de 1985 à 1995, par l'essor de la médecine d'urgence et de l'action humanitaire. La troisième séquence, qui se poursuit sous nos yeux, manifeste l'émergence d'un marché de la santé en voie de globalisation, plus ou moins contrôlé ou piloté par des institutions multilatérales telles que la Banque mondiale ou l'OMS (Organisation mondiale de la santé). Trois époques porteuses de trois visions de la santé, avec des objectifs et des stratégies différentes.
Une telle formulation nous met en présence du projet développementaliste contemporain des décolonisations et de l'idéologie tiers-mondiste. Le développement économique et social des nouveaux pays indépendants constitue le principal, voire l'unique projet cohérent. Il s'agit d'un projet de libération des populations où l'éducation et la santé tiennent une place déterminante. Le développement est considéré comme un projet pédagogique, incluant le transfert des savoirs et techniques. Progressistes marxistes et chrétiens partagent ces aspirations.
Les ONG confessionnelles ou chrétiennes sont les premières sur le terrain de la santé, à travers de nombreux dispensaires africains et hôpitaux de brousse qui poursuivent, en les développant, les activités missionnaires de l'époque coloniale durant laquelle l'armée et l'Eglise s'occupaient de la santé des populations.
Dans ce contexte, la santé est abordée comme « communautaire » à partir de stratégies participatives à base de formation, de prévention, de soins de santé primaires. Cette stratégie, qui sera prônée par l'OMS en 1978 à Alma-Ata (aujourd'hui Almaty, Kazakhstan), s'appuie sur les ressources locales et une conception « autocentrée » du développement, prenant en compte les savoirs locaux telle la médecine traditionnelle.
Parallèlement à cette santé communautaire d'inspiration chrétienne développée en zones rurales, des systèmes de santé ambitieux, réalisés autour d'hôpitaux urbains financés par les anciens pays colonisateurs, sortent de terre. Mais leurs coûts de fonctionnement très élevés en font des problèmes plus que des solutions, sauf dans les pays socialistes (Cuba, Algérie, Viêtnam) où des Etats forts assurent la continuité requise.