Les paradoxes de l'école

Hervé Hamon, Seuil, 2004, 294 p., 18 €.
Vingt ans après une première enquête réalisée avec Patrick Rotman sur les professeurs, qui avait été une dénonciation précoce et argumentée de la crise du collège unique, Hervé Hamon récidive, seul cette fois, et propose un nouvel état des lieux de l'enseignement secondaire.

En expert du système scolaire, Hervé Hamon maîtrise une authentique culture sociologique et met en oeuvre une méthode d'investigation qui présente des garanties de sérieux. Mais son statut de journaliste le délivre des obligations universitaires et l'autorise à laisser libre cours à son talent d'écrivain, donc agréable à lire. Loin de toute démagogie cependant, cette aisance de style est mise au service d'une volonté d'objectivité qui distingue nettement ce texte des trop nombreuses productions de mauvaise foi qui alimentent régulièrement les débats sur l'école.

D'emblée, H. Hamon annonce la couleur. En comparant la situation de trois des établissements représentatifs qu'il avait visités il y a vingt ans - un lycée professionnel, un collège dans une banlieue difficile et un paisible lycée de province -, il fait le constat que la situation du système scolaire ne s'est pas détériorée. Sur le plan matériel, le résultat des efforts budgétaires consentis par l'Etat et les collectivités locales est immédiatement perceptible : le lycée professionnel est équipé de matériels neufs et performants; le collège, classé en zone d'éducation prioritaire, est entièrement reconstruit et « fonctionne mieux », et le lycée provincial est resté « un lieu de vie douillet ». H. Hamon nous rappelle aussi, chiffres et témoignages d'enseignants à l'appui, que si l'on veut bien choisir d'autres critères que l'orthographe pour le mesurer, le niveau de connaissances des élèves n'a pas diminué. Il a enfin beau jeu de souligner que la violence scolaire n'a pas non plus augmenté. Il avait été, avec Patrick Rotman, un des tous premiers à oser en révéler la réalité, alors systématiquement masquée par l'administration, et se trouve donc bien placé pour en constater la relative stabilité et surtout sa localisation dans un nombre restreint d'établissements en difficulté. Comme il le dit si bien lui-même, il refuse la posture catastrophiste de ces « essayistes, souvent agrégés de l'université ou anciens khâgneux, qui aiment se penser comme chef-d'oeuvre en péril, et trouvent probablement dans l'idée qu'après eux vient le déluge une satisfaction narcissique intense et la confirmation de leur éminente rareté ». Sa dénonciation des maux dont souffre l'enseignement secondaire n'en est donc que d'autant plus crédible. Il en recense essentiellement trois, qui font chacun l'objet d'un chapitre.