Les petits riens qui changent tout

Si Steve Jobs tient une telle place dans l’imaginaire de l’innovation, c’est parce qu’il a mis au point ce que l’on nomme des « innovations de rupture ». L’ordinateur portable a révolutionné le travail personnel : plus personne n’écrit avec une machine à écrire. Après l’automobile, on ne roule plus en carrosse, après l’ampoule électrique, on ne s’éclaire plus à la bougie. Après Pablo Picasso, on ne pourra plus peindre comme au 19e siècle…

L’innovation de rupture semble donc jouer un rôle fondamental dans l’histoire. Mais la focalisation sur quelques innovations révolutionnaires a le défaut de dissimuler l’importance majeure des innovations ordinaires qui ne révolutionnent pas le monde mais qui, par petites touches, finissent par le métamorphoser en profondeur.

Des petits pas essentiels aux grandes mutations

Les « innovations de rupture », terme introduit par Clayton M. Christensen en 1997, jouent un rôle fondamental. Mais elles cachent aussi les myriades d’innovations continues, dites incrémentales, qui transforment le réel à petites doses. Regardez cette table. Le schéma de base est toujours le même – un plateau et des pieds. Mais ce schéma peut générer une grande variété de formules : la table basse de salon (en réduisant la hauteur des pieds), la table de salle à manger (en bois, en métal ou en verre), la table rectangulaire ou ronde, le bureau (en ajoutant des tiroirs), la table à repasser, la table à langer… La variation autour d’un modèle de base est l’une des formules les plus simples et les plus courantes de l’innovation. Le schéma de l’automobile peut donner naissance à un monospace, une décapotable, une voiture de course, une limousine, etc. (encadré ci-dessous).