Les peuples de la steppe prennent le pouvoir

Mongols, Mandchous, Turcs… Il circule bien des légendes sur les habitants des steppes. En consultant d’autres sources que celles de leurs voisins chinois, on peut esquisser un portrait plus fidèle à la réalité.

Les divers peuples qui, depuis deux mille ans, habitèrent la « steppe », depuis l’ouest de la Mongolie jusqu’au nord-est de la Chine, nous sont principalement connus à travers l’historiographie chinoise. Celle-ci est nécessairement sino-centrée et limitée au strict minimum de ce qu’il convient de dire de ces peuples pour éclairer certains événements de l’histoire de l’Empire du Milieu. Or de l’Antiquité au Moyen Âge, les empires des Xiongnu (3e siècle av. J.-C. – 2e siècle apr. J.-C.), Turcs (552-744), Ouïghours (744-848), Khitan (907-1125), Tangut (1038-1227), Jurchen (1115-1234), Mongols (1206-1367) et Mandchous (1644-1910), aux langues, cultures et coutumes nettement différentes, tantôt nomades tantôt sédentaires, se considéraient tout autant au centre de l’univers que leurs voisins chinois. En témoignent les stèles runiques turques de l’Orkhon, ou le nom officiel du « Grand Empire central Huldji Khitan ».

Forts de leur identité et de leur puissance militaire, ces empires des steppes furent tour à tour des voisins importants de l’Empire chinois, parfois des acteurs décisifs de son histoire – comme lorsque les Ouïghours viennent au secours de la dynastie Tang – et, pendant pas moins d’un tiers du 2e millénaire, ses maîtres incontestés (Mongols et Mandchous).

Des écritures particulières

Parler de ces « peuples du Nord », ce n’est donc pas s’attarder sur des aspects secondaires de l’histoire chinoise, c’est évoquer des acteurs décisifs de cette histoire. Si Pékin est aujourd’hui la capitale de la Chine, c’est très probablement parce que les Khitan firent de cette ville leur capitale du Sud, et les Jurchen leur capitale centrale. Certains de ces peuples, comme les Xiongnu, Turcs, Ouïghours et Tangut, ne sont abordés par l’historiographie chinoise que de façon marginale et, en l’absence d’autres sources consistantes, restent très mal connus. D’autres, comme les Khitan, Jurchen, Mongols et Mandchous ont bénéficié de sections propres à l’intérieur des histoires officielles de la Chine, qui les considère comme des dynasties chinoises à part entière. On connaît alors beaucoup mieux les événements et personnages importants de ces périodes. Les informations restent toutefois très incomplètes car elles ne rendent compte que de ce qui peut intéresser les confucéens des cours chinoises. Pour pallier ce problème, on peut faire appel avec profit à l’épigraphie et l’archéologie, mais les informations restent incomplètes.