Vent debout face au pouvoir monarchique qui prétend interdire à la presse d’évoquer la vie privée des hommes publics, le 9 novembre 1835, Le Charivari, s’insurge : « Quiconque s’impose ou s’offre à la confiance de ses concitoyens, s’expose nécessairement à ce que ses concitoyens compulsent feuille à feuille sa vie privée, comme préface obligée de sa vie publique. Tout se tient dans l’existence d’un homme. On ne peut pas vivre en partie double : mal gérer ses affaires, et gérer bien celles du pays, être honnête depuis telle heure, et fripon jusques à telle autre ; pratiquer toutes les vertus imaginables moyennant salaire, et cultiver gratuitement tous les vices. »
Il y a près de deux siècles, les termes du débat sur la vie privée des responsables politiques étaient déjà, à peu de chose près, posés. D’un côté, on peut estimer que, si l’homme public appartient à tout le monde, l’homme privé n’appartient à personne. L’un doit au peuple qui l’a élu des comptes sur son action, l’autre est un citoyen ordinaire qui vit comme bon lui semble. D’un autre côté, on peut aussi considérer que la crédibilité de l’homme public repose sur l’exemplarité du comportement de l’homme privé. À cet égard, la presse, dont la mission est d’éclairer l’opinion publique, se doit de mettre au jour les incohérences ou les contradictions entre la parole publique et l’attitude privée des politiques. Ce débat, les lois de la République ne l’ont jamais vraiment tranché et, en matière de respect de la vie privée, les politiques sont aujourd’hui protégés comme tous les autres citoyens, ni plus ni moins.