Les revenants

Les revenants, David Thomson, Seuil, 2016, 304 p., 19,50 €.

Depuis 2012, selon le ministère de l’Intérieur, plus d’un millier de jeunes Français sont partis rejoindre des groupes jihadistes en Syrie. Environ 700 sont encore sur place, 200 auraient été tués et autant auraient choisi de revenir. Correspondant de RFI en Tunisie lors des printemps arabes, le journaliste David Thomson a assisté à l’émergence de la propagande de l’État islamique. Pendant cinq ans, il a réalisé une série d’entretiens auprès d’une centaine de jihadistes, privilégiant délibérément ces sources primaires. Cette compilation de témoignages offre donc une vue inédite du phénomène jihadiste. Beaucoup de ces combattants affirment avoir fait l’expérience d’« une quête d’absolu spirituel à laquelle ne répond pas la société contemporaine », éprouvé le sentiment « de devenir quelqu’un » et avoir surmonté « un sentiment d’infériorité en France » dû à leurs origines. En Syrie, ils découvrent une administration basée sur un système pyramidal, sur les dollars et toutes sortes de petits arrangements. Aussi certains déchantent devant un réel très éloigné des vidéos de propagande diffusées sur Internet. « Le pseudo-califat où les gens sont libres, c’est une dictature en fait, lâche désabusé Zoubeir, vingt ans, et ajoute “Y a des chances qu’on meure là-bas, mais plus d’une balle d’un jihadiste que d’un soldat de Bachar.” » Alors que l’EI perd du terrain face à la coalition internationale, « les courbes des départs et des retours de jihadistes risquent de s’inverser », estime D. Thomson. L’organisation appelle désormais ses partisans « à rester dans leur pays pour y tuer le maximum de civils par tous les moyens possibles ». Plus inquiétant, cependant, même déçus par l’EI, beaucoup des « revenants » restent profondément attachés au jihadisme et à l’islamisme, contre lesquels les programmes de déradicalisation ne peuvent apparemment pas grand-chose.