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Le 24 janvier dernier, le journal Le Monde annonçait le renoncement du géant du luxe LVMH à installer un centre de recherche sur le campus de l’École polytechnique à Saclay (Essonne), et ce en dépit de l’accord de sa présidence. Simple revirement financier ? C’est très peu probable. En réalité, le projet entretenait, depuis plusieurs mois, une sérieuse bronca parmi certains enseignants, élèves et anciens élèves d’une des plus prestigieuses écoles de la République. Certains dénonçaient la vente d’un espace mieux utilisable par les étudiants. D’autres fustigeaient le peu d’intérêt scientifique des activités de LVMH pour des ingénieurs de haut niveau.

En conséquence, les communicants de l’industriel ne ménageaient pas leurs efforts pour mettre ce projet sous le signe de « Gaïa », du « luxe durable » et du « digital ». « Gaïa », c’était pour l’architecture du futur centre, entièrement écoresponsable et recyclable, le « digital » était censé mettre les matheux polytechniciens en appétit, et quant au « luxe durable », ça allait de soi : une paire de bottes Dior dure autrement plus longtemps qu’une paire de Nike, sans parler du côté « cousu main » des produits de luxe. Face à ces arguments imparables, les opposants à LVMH n’hésitèrent pas à monter en généralité, mettant un pied dans la critique sociale. Dans un appel à mobilisation, ils déclaraient en septembre 2022 : « Dans une France et une Europe en crise, menacées par les pénuries énergétiques et l’inflation, les défis oxymoriques du “luxe durable” mis en avant par le groupe de Bernard Arnault apparaissent bien dérisoires, voire indécents, face aux nécessités immédiates de la vaste majorité de la population. » Ensuite, ils interpellaient : « Quelles sont les perspectives de formation et de recherche de l’École polytechnique dans les décennies à venir ? Trouver des solutions pour l’industrie du luxe, afin de permettre au 1 % le plus riche de la population de continuer à consommer toujours plus ? Ou former des ingénieurs aptes à accompagner l’ensemble de la population pour faire face à la crise climatique et à l’effondrement de la biodiversité ? »