Neveu et disciple d'Emile Durkheim, Marcel Mauss (1873-1950) participa à l'équipe durkheimienne, réunie autour de la revue L'Année sociologique, mais il n'en garda pas moins une certaine indépendance. Ainsi, il se tourna rapidement vers les études ethnographiques et fonda en 1925 l'Institut d'ethnologie. Il est l'auteur d'une oeuvre riche et complexe, mais très dispersée. Il faut attendre 1950 pour que ses principaux articles soient rassemblés par Georges Gurvitch dans Sociologie et anthropologie.
Même si Mauss n'a paradoxalement jamais fait de terrain, il avait une parfaite connaissance de tous les travaux ethnologiques et le souci de saisir les réalités dans leur totalité. C'est ce souci que l'on retrouve derrière ses célèbres formules de « fait social total » ou d'« homme total ». Ainsi, un fait social comporte toujours, selon lui, des dimensions économiques, religieuses ou juridiques et ne peut être réduit à un seul de ces aspects. Mauss choisit aussi d'appréhender l'homme dans sa réalité concrète, c'est-à-dire sous un triple point de vue physiologique, psychologique et sociologique. Il a approfondi les études réalisées par les anthropologues qui l'ont précédé. A la suite des travaux de Franz Boas chez les Indiens d'Amérique et de Bronislaw Malinowski en Polynésie, il s'interroge sur la signification sociale du don dans les sociétés tribales (Essai sur le don, 1923-1924). Il s'est auparavant intéressé au phénomène religieux et a montré que le sacrifice et les rites étaient enracinés dans la vie sociale.
Ainsi, dans son Esquisse d'une théorie générale de la magie (1902), Mauss considère la magie comme un phénomène social, à la racine duquel on trouve des « états affectifs générateurs d'illusions ». Ces derniers ne sont pas d'ordre individuel mais collectif puisqu'il existe « une solidarité entre les êtres qui pratiquent ces rites ». Il recourt alors à la notion de « mana » (terme mélanésien que l'on retrouve sous d'autres noms chez différents peuples) : celle-ci, qui est au fondement de la magie et de la religion, est l'émanation de la puissance spirituelle du groupe et contribue à le rassembler. Le mana, tout comme le don, est ainsi créateur de lien social, notion figurant au coeur de l'oeuvre de Mauss et qui explique en partie le regain d'intérêt que lui portent aujourd'hui les sociologues.