Publié en 1922, Économie et société est le livre majeur du sociologue allemand Max Weber 1. Dans l'oeuvre de ce dernier, il occupe pourtant une place singulière. Non seulement l'opus magnum paraît deux ans après la mort de son auteur mais, surtout, il n'a pas un statut comparable à la plupart des travaux antérieurs de M. Weber. Economie et société est d'abord le produit d'une commande passée en 1908. Il s'agit d'écrire un ouvrage de synthèse destiné à remplacer le manuel d'économie politique de Gustav Schönberg. Lorsqu'il accepte l'offre, M. Weber propose de centrer la réflexion sur la nature du capitalisme contemporain et d'initier, grâce à ce nouveau traité, une collection de cinq volumes de socioéconomie. Pour la confection du premier d'entre eux, il sollicite des collègues de renom. Comme l'indiquent les tables prévisionnelles établies en 1909-1910, il s'attribue alors la responsabilité de la section intitulée « Economie et société ».
En raison de contingences multiples, il est décidé un peu plus tard de fragmenter la publication et de nommer Grundiss der Sozialökonomik (Fondement de l'économie sociale) la série ainsi constituée. Alors que sa contribution commence à prendre véritablement tournure, M. Weber est interrompu par la guerre et ne peut s'atteler à nouveau à la tâche qu'en 1918. Très vite cependant, la mort happe le sociologue sans lui laisser le temps de mettre un point final à l'entreprise. Le manuscrit reste donc inachevé et, pour partie, à l'état de simple brouillon assorti d'indications lacunaires. L'ouvrage intitulé Economie et société qui nous sert aujourd'hui de référence est en fait composé après la disparition de M. Weber par sa femme Marianne et par son éditeur Johannes Winckelmann. Outre les parties déjà rédigées, il intègre des articles d'origines variées qui ont été ajoutés au gré des éditions allemandes et de leurs multiples traductions.
Le premier chapitre d'Economie et société est consacré aux concepts fondamentaux de la sociologie (l'action et les relations sociales, l'ordre légitime, la lutte, la communalisation et la sociation, le groupement, la domination...). Il offre, en guise d'entame, une définition de la sociologie entendue comme une science empirique « qui se propose de comprendre par interprétation l'action sociale et ce faisant d'expliquer causalement son déroulement et ses effets ». M. Weber signifie de la sorte que la tâche du sociologue consiste à saisir le sens qui motive ces actions spécifiques à l'occasion desquelles les individus prennent en considération le comportement d'autrui. Le sociologue doit aussi expliquer, à l'aide du principe de causalité, la séquence des faits dans laquelle prennent place ces actions. Dans la tradition allemande des sciences de l'esprit, M. Weber fait ainsi sienne l'idée en vertu de laquelle, à la différence de celui de la nature, le monde des hommes est façonné par des valeurs, des intérêts... qui gouvernent les actions des uns et des autres. Alors que les sciences naturelles ont affaire à des objets qui s'imposent à la conscience comme des données extérieures, les sciences de l'esprit travaillent sur l'expérience vécue des individus. Produit par et pour des êtres de conscience, les actions sociales sont des activités chargées de sens, donc compréhensibles par d'autres hommes.