Mélodies nocturnes

Certaines aires cérébrales, qui s'activent pendant un apprentissage, se réactivent spontanément la nuit venue. Les neurones rejoueraient durant le sommeil la mélodie apprise quelques heures avant. Preuve est ainsi faite d'un apprentissage inconscient.

Les relations entre le sommeil et la mémoire sont au cœur de nombreuses études. Faut-il suivre le prix Nobel de médecine Francis Crick lorsqu'il considère que le sommeil paradoxal, grand producteur de rêves, sert notamment à éliminer des « excédents de mémoire », des souvenirs non pertinents ? Faut-il, au contraire, emboîter le pas à ceux qui attribuent à cette phase de sommeil la mission de stabiliser les traces mnésiques, éléments encore bien mystérieux qui nous permettent de reconstituer nos souvenirs ?

Apprentissage implicite

En fait, quoique l'élimination et la stabilisation de telles « empreintes » soient jugées complémentaires par la plupart des neurobiologistes, la théorie de F. Crick ne semble corroborée actuellement par aucune donnée expérimentale faisant autorité. En revanche, la thèse d'une consolidation des apprentissages durant le sommeil n'est plus sujette à contredit. Dormez, dormez, et demain vous serez plus performant ! Non seulement vous aurez mieux récupéré, mais, de surcroît, votre cerveau aura mis la nuit à profit pour « s'imprégner » des données ingurgitées au cours des heures précédentes.

Au début des années 1970, des études expérimentales réalisées chez la souris par John O'Keefe, du University College of London, ont montré que l'activité neuronale dans une structure cérébrale baptisée l'hippocampe permet au rongeur de s'orienter dans l'espace et de retrouver des lieux connus, telle une source de nourriture au sein d'un labyrinthe. Aux Etats-Unis, Bruce McNaughton, Matt Wilson et Giorgy Buzsaki découvraient quant à eux dans les années 1990 que les cellules hippocampiques sont réactivées après un apprentissage spatial, principalement pendant le sommeil lent. Et en 2000, Amish Dave et Daniel Margoliash, de l'université de Chicago, observaient un phénomène similaire au niveau des aires du chant chez de jeunes passereaux apprenant les vocalisations de leur espèce. A priori, les informations acquises lors d'un apprentissage continuent à être traitées durant le sommeil.