Mémoire familiale, mémoire de l'entreprise, mémoires oubliées...
Il est curieux de constater l'importance que la mémoire a pris dans le vocabulaire contemporain. Il n'est que de consulter les sites et autres index pour se rendre compte de l'ampleur des productions à son sujet, aussi bien dans le champ littéraire que scientifique, voire pseudo-scientifique, comme pour la mémoire de l'eau, notion aujourd'hui déclarée erronée par plusieurs scientifiques...
En fouillant dans nos inconscients et en nous dévoilant que la partie immergée de l'iceberg était beaucoup plus volumineuse que celle que nous percevions, la psychanalyse a - sans doute inconsciemment ! - contribué à cette montée en puissance de la mémoire... Toujours est-il que, depuis quelques décennies, le phénomène mémoriel est devenu omniprésent dans les sociétés occidentales. Recherches généalogiques, journées et musées du patrimoine, commémorations en tout genre (dont le bicentenaire de la Révolution française fut un sommet) connaissent aujourd'hui un succès sans faille. Parallèlement, on assiste depuis quelques décennies à la multiplication de ce que l'historien Pierre Nora a appelé « les mémoires particulières », issues de groupes qui revendiquent leur propre interprétation du passé, fût-elle contradictoire, voire opposée à celle d'autres groupes. Prenons l'exemple qui, en France, est en train de devenir un cas d'école : la mémoire de la guerre d'Algérie. Soldats envoyés pour ce qui fut longtemps appelé « opération de pacification » par le gouvernement français, pieds-noirs et leurs descendants, soldats harkis rejetés par leur Algérie natale et déniés par la France, enfants de l'immigration algérienne, tous revendiquent leur propre interprétation du conflit.