Mondialisation : quel impact sur l'emploi ?

La mondialisation des échanges crée des emplois ! En France, le solde entre emplois créés et emplois détruits en dix ans apparaît nettement positif. C'est ce qui ressort des calculs de Claude Vimont à partir d'une méthodologie originale.

Avant d'examiner l'effet de la mondialisation sur le niveau de l'emploi dans un pays, tel que la France, il est nécessaire de définir le phénomène et son impact sur la vie économique. Sur le plan théorique, cette définition est simple à donner : la mondialisation est un ensemble de processus qui tendent vers la libre circulation des biens et des marchandises, des capitaux et des hom- mes. En réalité, il est évident que nous sommes loin de connaître une situation aussi parfaite : des pays continuent à pratiquer des formes de protectionnisme ; l'entrée dans un pays est encore conditionnée à l'obtention d'un visa ou d'un permis de séjour.

Il est certain, cependant, qu'au cours de ces vingt dernières années, la mondialisation de la vie économique s'est accélérée avec l'essor des pays d'Asie du Sud-Est et de la Chine, et surtout avec la transition des pays de l'Europe de l'Est vers l'économie de marché. Le monde entier est désormais couvert par un réseau d'échanges et de mouvements de capitaux. La conséquence est que les accidents qui se produisent dans certains de ces pays ont des répercussions sur les autres. Nous le voyons clairement à l'heure actuelle avec la crise asiatique.

Les implications de la mondialisation sur l'emploi sont d'abord liées aux nouvelles conditions de la localisation de l'activité économique : celle d'un site de production est de moins en moins dictée par la proximité de matières premières disponibles et de sources d'énergie. Les facteurs de production (machines et main-d'oeuvre) sont de plus en plus mobiles. Seuls échappent à cette mobilité les produits dits de « pur complément », des produits exotiques par exemple, appelés par A. Wood « non competing exports »1. C'est vrai pour le whisky, comme pour la balle de coton. Les transports sont devenus de plus en plus rapides et de moins en moins coûteux, la recherche dans l'organisation de la production facilite la fabrication des composants ou pièces détachées dans un pays, le montage dans d'autres. Outre ces changements technologiques, les facteurs d'ordre juridique ont joué un grand rôle : la suppression ou, du moins, la baisse des droits de douane, la libération des mouvements de capitaux, l'ouverture du capital des entreprises nationales aux investissements étrangers. La sophistication des systèmes de cotation boursière et de transferts de capitaux en temps réel a également créé la possibilité d'actions industrielles ou financières menées à l'échelle planétaire. Dans ce contexte, le coût relatif de la main- d'oeuvre devient le facteur prédominant de compétitivité des entreprises comme des pays. En théorie, la différence de coût produit deux effets : la croissance des importations de produits en provenance de pays à faible coût salarial ; la délocalisation d'entreprises des pays développés vers les pays à bas salaires.

La question de l'emploi est devenue si aiguë que c'est par ce biais que, le plus souvent, la mondialisation a été abordée dans les débats publics. En France, le rapport présenté au Sénat par Jean Arthuis en juin 1993 avançait le chiffre de 5 millions d'emplois industriels « menacés » par les mouvements de délocalisation 2. L'idée selon laquelle la mondialisation induirait la délocalisation des entreprises industrielles dans les pays en développement et serait, de ce fait, l'une des causes principales du chômage dans les pays développés a été largement répandue.