Naissance des soins palliatifs

La médecine a d’abord pour but de sauver nos vies, comme le rappelle le serment d’Hippocrate qui interdit de délivrer des poisons. Mais désormais, elle tente, aussi, de nous aider à mieux mourir.

Depuis une trentaine d’années, les conditions du rapport à la mort se sont transformées dans le champ de la médecine. Avec les soins palliatifs s’est mise en place une nouvelle manière d’appréhender la réalité sociale et professionnelle du mourir. Domaine jusqu’alors peu investi par le corps médical, la fin de vie est progressivement devenue un champ d’intervention spécifique et légitime visant à combler les « insuffisances » du monde médical pour cette catégorie de patients habituellement reléguée à la marge du système hospitalier.

Les soins palliatifs entendent en effet reconsidérer les conditions de la prise en charge des patients en fin de vie dans le système de soins. On assiste, avec cette discipline récemment constituée, à une nouvelle forme de médicalisation du mourir qui traduit un réel changement de perspective dans les rapports entre médecine et fin de vie. S’affirme ainsi une nouvelle conception de la mort et du « bien mourir » dans laquelle les professionnels jouent désormais un rôle central.

La mort comme enjeu social et médical

À partir des années 1970, la mort s’institutionnalise et survient de plus en plus en milieu hospitalier. Ce changement du lieu de la mort modifie radicalement les conditions de la fin de vie. Celle-ci apparaît de plus en plus technicisée et déshumanisée et n’est plus considérée comme la fin « d’un processus naturel » mais semble désormais soumise à la maîtrise technique et au pouvoir des médecins. Dès la seconde moitié des années 1970, la mort et la fin de vie deviennent ainsi des enjeux de débats et de controverses publics conduisant à donner une visibilité sociale à la dernière période de l’existence. Les craintes liées à l’approche de la mort sont d’autant plus vives que l’intervention médicale est susceptible de retarder le processus même de la mort et de prolonger la période de fin de vie de manière excessive. L’« acharnement thérapeutique », la surmédicalisation de la fin de vie, l’abandon des mourants mais aussi les pratiques d’accélération du processus de mort sont perçus comme les symptômes d’une médecine qui ne parvient plus à gérer l’approche de la mort.