Nouveaux regards sur l'autisme

L'autisme, qui enferme l'individu dans sa bulle d'angoisse, demeure en grande partie inexpliquée. Le point sur l'avancée des recherches : origine, traitements et diagnostics.

Trois colloques et un séminaire sur l'autisme en mars 1998, en France ; une pluie de livres et d'articles : le sujet est à l'ordre du jour. Cela tient sans doute à la dynamique amorcée par un texte capital : la circulaire du 27 avril 1995 sur la « Prise en charge des enfants, adolescents et adultes autistes », qui propose un plan de cinq ans pour améliorer cette prise en charge. Ce texte, qui tire la conclusion d'une pétition et de trois rapports, est aussi remarquable par la définition qu'il donne de l'autisme infantile, reprise du rapport de l'Andem : « Un trouble global et précoce du développement, apparaissant avant l'âge de trois ans, caractérisé par un fonctionnement déviant et/ou retardé dans chacun des trois domaines suivants : interactions sociales, communication verbale et non verbale, comportement. » Le rapport du Comité d'éthique, paru un peu plus tard, précise même : « Un trouble du développement du système nerveux central ». C'est un ralliement aux thèses de l'origine organique de l'autisme.

Définitions et prévalence

Au commencement, il y eut le pédopsychiatre américain Léo Kanner. En 1943, il publie ses observations sur onze cas d'enfants qui se caractérisent, dès le début de leur vie, par leur « inaptitude à établir des relations normales avec les personnes et à réagir normalement aux situations ». Il relève, comme traits caractéristiques de ces enfants, leur isolement extrême, leur désir obsessionnel et anxieux de préserver la cons-tance de l'environnement, le caractère limité de leurs activités spontanées. Il note aussi que le langage - quand ils parlent - ne leur sert pas à communiquer. Et il propose de baptiser ce syndrome - c'est-à-dire cet ensemble de symptômes - « autisme infantile», un nom qui montre bien que, pour lui, il s'agit d'un cas particulier de psychose : le mot « autisme » a été inventé trente ans plus tôt par Bleuler pour désigner la tendance au repli sur soi des schizophrènes.

L'autisme reste classé parmi les psychoses pendant quarante ans, mais les Américains y incluent des formes dans lesquelles les symptômes de Kanner sont associés à une déficience mentale. En 1981 survient un grand tournant, avec la publication d'une nouvelle édition de la classification psychiatrique américaine, le DSM III, qui définit chaque entité pathologique par une série de traits de comportement observés. Le terme de « psychose », appliqué aux troubles psychiques de l'enfant, disparaît, remplacé par celui de « troubles globaux du développement ». La classification internationale, dite CIM 10, publiée en 1993, est presque identique, mais la classification française reste fidèle au terme de psychose et adopte des catégories différentes. Une situation que beaucoup déplorent, sans préjuger de la supériorité de l'une ou l'autre classification, parce que leur concordance imparfaite « constitue un facteur regrettable d'incompréhension entre chercheurs, praticiens, familles et organismes de santé ».

On dénombre naturellement plus ou moins d'autistes selon la définition adoptée... D'après le rapport de l'Andem, les études les plus fiables conduisent à un taux de 4,5 à 5 pour 10 000, ce qui donne, pour la France, environ 7 000 enfants et 20 000 adultes. Mais, si on applique les critères plus larges du DSM III, on en arrive à un taux de 9,5 à 10, ce qui donnerait, pour la France, environ 15 000 enfants et adolescents et 43 000 adultes. Le «sex ratio» est de trois garçons pour une fille. Notons une curiosité : le Japon fait cavalier seul, avec un taux de prévalence de 13 à 16 pour 10 000 !

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Etre autiste

« La nourriture, c'était affreux ; le sommeil, c'était infernal ; la propreté, c'était rien. J'ai essayé beaucoup de choses : lui montrer des images, lui proposer des jeux, mais je n'arrivais à rien construire avec lui - même pas à accrocher son regard ! Je connais des enfants trisomiques : ils imitent, ils cherchent à faire plaisir à l'adulte. L'autiste n'imite pas, et il est d'une telle indifférence qu'au bout de cinq minutes, vous êtes vidée de votre énergie. Dès qu'un lien se crée, il le bouscule. »

De tels témoignages donnent une idée du calvaire que peuvent vivre les parents d'un autiste. Certes, ils ne sont pas tous violents. Mais tous sont imprévisibles, étranges, comme étrangers dans notre univers.

Le regard qui fuit celui de sa mère, le corps qui se raidit ou reste sans réaction quand elle veut le prendre et les bras qui ne se tendent pas vers elle sont souvent les premiers symptômes repérés. En grandissant, l'enfant s'isole, s'absorbe dans une tâche répétitive : faire couler du sable entre ses doigts, aligner des billes... Il ne paraît pas vous entendre, mais il réagit au froissement d'une feuille comme si c'était une explosion. Il ne vous regarde pas, mais il repère du coin de l'oeil le moindre changement de place d'un objet. Parfois, il se frappe, se griffe ; souvent, il pique des colères dont on ne comprend pas la raison.

Les troubles du langage sont constants. Certains autistes n'apprennent jamais à parler, ni même à montrer du doigt ce qu'ils veulent. D'autres acquièrent le langage, mais un langage bizarre, avec confusion des pronoms personnels, écholalie (c'est-à-dire répétition de ce que l'on vient d'entendre), répétition de phrases toutes faites telles que des slogans publicitaires.