Nouvelles religiosités et croyances parallèles

L'astrologie comme la voyance s'inscrivent dans un ensemble de croyances parallèles aux grands systèmes de pensée. Parmi celles-ci, une nébuleuse mystique-ésotérique rassemble les caractéristiques des nouvelles religiosités du « postcatholicisme » où la science et ses interrogations sont largement utilisées.

Depuis une trentaine d'années, on assiste au foisonnement des croyances « parallèles » : astrologie, voyance, réincarnation, expérience de mort imminente (« EMI » ; « NDE » en anglais), médecines parallèles en tous genres. Face à l'extrême hétérogénéité de ces croyances, les observateurs tentent de mettre quelque ordre en relation avec leur angle d'approche du phénomène. Certains, se situant de façon privilégiée en référence à la science, parlent de parasciences. C'est par exemple la perspective des travaux de Daniel Boy et de Guy Michelat. Jacques Maître parle, lui, de « nébuleuse d'hétérodoxies », en « face du front relativement concerté que présentent les trois grandes instances de régulation orthodoxe en matière d'idéologie : le pouvoir politique, les institutions scientifiques et les confessions religieuses dominantes. Il est à noter que les institutions officielles - en tout cas religieuses et politiques - ne réussissent plus que très partiellement à contrôler les croyances. Il n'y a plus vraiment d'hétérodoxie bien nette, renvoyant à une réelle déviance par rapport à des normes de croyances ou de comportement admises par l'essentiel de la population. Il apparaît plus juste aujourd'hui de parler de croyances « parallèles ». Ce dernier terme a l'avantage d'être aisément compréhensible par l'analogie qu'il suggère avec les médecines dites parallèles.

L'appréciation quantitative du phénomène que constituent les nouvelles croyances est assez difficile car les enquêtes sont encore rares et les questionnaires d'enquêtes délicats à établir. De plus, l'évaluation précise des évolutions dans le temps est encore balbutiante, le premier sondage sur ce sujet ne datant que de 1982.

Quoi qu'il en soit, les quelques chiffres dont nous disposons sont assez éloquents. En effet, la « croyance au paranormal » concernerait plus de 30 % des Français. 25 % d'entre eux croiraient en la réincarnation. Environ 30 % des médecins généralistes prescrivent, au moins occasionnellement, des médicaments homéopathiques, et environ 7 % se déclarent « homéopathes » 1. On peut s'interroger sur les conditions qui facilitent le développement des croyances parallèles. On en retiendra trois qui jouent d'ailleurs en interconnexion :

- la perte d'emprise de la religion instituée s'est accentuée, s'accompagnant de la constitution d'une religiosité flottante ;

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- la modification du statut actuel de la science qui est devenue à la fois incontournable et déstabilisée ;

- la profonde mutation des modalités du « croire » où le syncrétisme, l'éclectisme et l'incertitude tiennent une place prépon-dérante.

Les deux dernières tendances sont examinées au travers de l'examen des croyances en vigueur dans la nébuleuse mystique-ésotérique constituée de réseaux qui peuvent se rattacher à des religions plus ou moins « exotiques » en Europe, ou réactiver diverses pratiques ésotériques (astrologie, tarot, etc.) ou bien encore correspondre à de nouveaux syncrétismes psycho-religieux.

Le recul de l'emprise des institutions religieuses

La laïcisation des institutions est, en France, une réalité déjà ancienne remontant au xixe siècle. Cependant, la déchristianisation massive des mentalités et des consciences ne date que des années 60. Et c'est aujourd'hui qu'elle introduit une rupture dans la « chaîne des générations » et dans l'enracinement catholique de la société française. Le mouvement de désaffectation à l'égard de la religion instituée touche les adolescents de plus en plus précocement. De plus en plus de jeunes catholiques ne font pas leur communion solennelle ou cessent de fréquenter l'église, celle-là effectuée. En effet, seulement un peu plus de la moitié des baptisés (catholiques) font désormais leur communion solennelle ; et, si l'on prend en compte l'ensemble des jeunes Français, le taux des adolescents qui font leur communion solennelle ne dépasse guère 45 %, taux qui continue de chuter d'environ un point par an. Le caractère désormais facultatif de la communion solennelle signifie notamment le développement rapide de la méconnaissance des croyances chrétiennes puisque les jeunes qui ne font pas leur communion solennelle n'ont généralement pas reçu d'éducation religieuse. Le taux des jeunes (18-25 ans) qui se déclarent « sans religion » atteint presque 40 %. Dans cette tranche d'âge des 18-25 ans, qui est celle de la distance maximum à l'égard de la religion institutionnelle, le taux de pratique régulière est très bas : entre 3 et 4 %.