Padre Pio

Padre Pio
. Miracles et politique 
à l’âge laïc
. Sergio Luzzatto, 2007, trad. fr. Pierre-Emmanuel Dauzat, Gallimard, 2013, 
505 p., 30 €.

Un névrosé ou un saint ? Telle était, en substance, la question que le père Agostino Gemelli, franciscain et psychiatre, retournait dans sa tête en poussant la porte du couvent Santa Maria delle Grazzie du petit village de San Giovanni Rotondo. Nous sommes en avril 1920, dans la région du Gargano (Pouilles italiennes), et depuis plus d’un an, une effervescence fébrile a saisi la commune et son couvent : des centaines de pélerins se pressent pour assister à la messe d’un prêtre capucin miraculeux. Depuis le 20 septembre 1918, les mains et les pieds de Francesco Forgione – alias Padre Pio – saignent. D’inexplicables guérisons se produisent parmi les dévots. Les autorités communales crient au miracle, la presse en fait un feuilleton, l’évêque du diocèse doute, et le Vatican aimerait qu’on parle moins de ce stigmatisé intempestif. Après l’avoir rencontré, A. Gemelli enverra au Saint Office un rapport sans appel sur le Padre Pio : cas probable d’hystérie, autrement dit, pour lui, un « mystique de clinique psychiatrique ». Mais tout le monde, à Rome, ne sera pas de cet avis, et les cinquante années de carrière miraculeuse qui attendent le Padre Pio à San Giovanni Rotondo seront rythmées par l’alternance radicale des autorités vaticanes, tantôt interdisant, tantôt encourageant ses apparitions publiques et son culte. Il évitera même de justesse la déportation loin de ses Pouilles natales.