Le roman policier naît sous la plume d’Edgar Allan Poe en 1843, avec la figure du détective parisien Auguste Dupin. Il se diversifie très vite et tente d’embrasser tous les aspects de la vie, d’abord sous forme de feuilletons, de nouvelles puis de romans. Son histoire est touffue et de nombreux sous-genres se mêlent, s’étreignent, se croisent. Les passerelles d’un genre à l’autre, d’un pays à l’autre, sont comme les méandres de l’embouchure d’un fleuve. Pour s’y retrouver, il fallait le cartographier, le simplifier autour de quelques genres qui recouvrent les grandes périodes de l’histoire de ce monde en noir.
◊ Le roman-énigme
Le roman-énigme fait son apparition au milieu du XIXe siècle avec l’Anglais Arthur Conan Doyle et son personnage Sherlock Holmes. Il sera très populaire jusqu’à la mort d’Agatha Christie, reine du genre, en 1976, où le genre commence à se raréfier. Selon la philosophe Laurence Devillairs, la profondeur du roman à énigme est justement « de ne pas en avoir : aucune vision du monde, aucune idéologie, aucun symbolisme n’est censé venir donner au récit son sens et son épaisseur ; le récit est à lui-même sa propre justification, en tant qu’il est subordonné à une énigme. » Ce genre appartient encore à un monde stable, où les dirigeants dirigent, tandis que tous les autres sont à leur service. Le lecteur, personnage coopté, ou pour le moins complice, est à égalité avec l’enquêteur, il a tous les éléments en main pour débusquer le criminel. C’est à un jeu de déduction auquel il est convié. Ce type de roman est extrêmement codifié : déroger aux règles est inimaginable. A. Christie s’est ainsi vue reprocher d’avoir trahi lorsqu’elle fit du narrateur du Meurtre de Roger Akroyd le meurtrier lui-même. Elle n’a jamais recommencé. En France, aux côtés d’A. Christie, on trouve au sein de la fameuse collection « Le Masque » le Stéphanois Charles Exbrayat et son héroïne, Imogène McCarthery.
Ce type de roman est aussi appelé whodunit (who done it?) que l’on peut traduire en français par kikafélkou.
◊ Le hard-boiled
Bien qu’on le fasse souvent naître après la Première Guerre mondiale, le hard-boiled plonge ses racines à la fin du XIXe siècle, dans les « dime novels », petits fascicules vendus au prix unique d’une dîme, où étaient par exemple relatées les histoires de Buffalo Bill. Le héros solitaire luttant contre les Indiens s’est très vite transformé en héros de la jungle urbaine s’attaquant à la corruption et aux trafics qui accompagnaient le développement des villes dès la fin du XIXe siècle. Le nom « hard-boiled » arrive plus tard, emprunté à l’argot des soldats de la Première Guerre mondiale. Qu’on le traduise par « insensible » ou « dur à cuire », il désigne ces sergents inflexibles chargés de transformer les citoyens en soldats.