La conduite d'un avion de ligne est maintenant devenue l'une des activités les plus formalisées qui soient. A l'issue de la dernière guerre, l'exigence de réussite était prépondérante, elle transcendait les quelques procédures établies. Le « métier » des pilotes était peu explicité, il restait essentiellement personnel, acquis par compagnonnage et développé par l'expérience. Sous l'effet conjugué d'une meilleure professionnalisation des pratiques et de l'emprise des progrès techniques, leur compétence a été progressivement objectivée dans un discours formel et soumise à des prescriptions diverses 1. Pression taylorienne, prolifération réglementaire, exigence de sécurité : autant de nouvelles sources de prescriptions qui s'additionnent pour générer, en parallèle de l'évolution du travail en équipage, un flux de papier. Flux dont l'homogénéité n'est jamais vérifiée, mettant souvent les pilotes en porte-à-faux par rapport à l'exigence exprimée.
Malgré tout, le métier de pilote de ligne reste un artisanat, car on ne conduit pas un avion avec un manuel sur les genoux. La spontanéité professionnelle des pilotes, acquise lors de leur formation et constamment perfectionnée, reste l'ultime garant de la bonne réponse à la complexité toujours renouvelée des situations.
Les différentes sources de prescriptions
Dans les années 60, les commandants de bord long-courriers étaient des pilotes issus de la guerre, ayant du métier une conception très individuelle, peu propice à l'échange nécessaire au travail en équipage. Par contre, le secteur moyen-courrier était le secteur d'instruction par excellence : c'est là que se formaient les jeunes pilotes et les nouveaux commandants de bord. A cette époque, la réflexion induite par l'instruction a permis la formulation de la répartition du travail et surtout, objectif principal, l'explicitation d'un standard de travail, qui permette de dérouler le plus naturellement possible les séquences successives du vol, tout en respectant les impératifs essentiels de sécurité. La compagnie pouvait ainsi programmer individuellement des navigants qui, travaillant de la même façon, étaient capables de constituer instantanément un équipage. En effet, l'augmentation des effectifs, due au développement du transport aérien, rendait impossible l'affectation à chaque vol d'une équipe constituée et soudée antérieurement.