Portrait d'une jeune lectrice en 2023

Iris a 13 ans et vit à Paris. Elle lit de moins en moins de livres imprimés. Elle préfère désormais « scroller » des « webtoons », ces bandes dessinées d’origine coréenne adaptées aux smartphones. Et si l’avenir de la littérature se jouait sur les plateformes numériques ?

Élève en quatrième à Paris, Iris, 13 ans, adore lire. En dehors de toute obligation scolaire, la jeune fille a dévoré, entre autres, Tolkien, Labiche, Pennac et Zola. Et chaque semaine, elle emprunte de nouveaux mangas à la bibliothèque, c’est de son âge et de son époque : plébiscités par les jeunes, les mangas constituent le secteur le plus dynamique de l’édition française. Mais depuis quelques mois, au retour du collège, c’est d’abord sur son smartphone qu’Iris se précipite. De l’index, l’ado fait défiler le contenu à l’écran, encore et encore, autant dire qu’elle scrolle avec concentration. Il ne s’agit ni d’Instagram ni de TikTok. À l’écran, des personnages aux grands yeux et aux cheveux pastel évoquent les films d’animation japonais, mais ils ne bougent pas. Un manga ? L’esthétique paraît proche, mais ce qui absorbe notre ado est en ligne, en couleurs et se lit verticalement ; chaque case correspond exactement à l’écran. Comme plus de 2 millions de jeunes en France et 85 millions dans le monde, Iris lit un webtoon, une BD d’origine coréenne (manwha en VO) directement conçue pour l’écran des téléphones portables. Original, le format séduit les digital natives, il parvient parfois même à les rendre accros. Car pour le meilleur ou pour le pire, le webtoon renouvelle profondément l’expérience de la lecture.

Écoutons notre collégienne, spécialiste en la matière. La jeune fille a découvert au printemps 2022 cette technologie narrative créée en Corée en 2004 et introduite en France à partir de 2016. Elle commence par lire Ma fratrie de tyrans de Park Ha sur la plateforme Delitoon, puis « plein d’autres ». À raison de deux minutes de temps de lecture environ par épisode, et d’une soixantaine d’épisodes par webtoon, parfois jusqu’à plusieurs centaines, « ça s’avale vite », nous confie l’adepte. À l’heure où nous écrivons ces lignes, Iris ne lit pas moins de 27 webtoons en parallèle, sur les diverses plateformes disponibles en France, à savoir Webtoon (pionnière coréenne et leader à l’échelle mondiale, dont dérive le nom générique de ce genre littéraire très particulier), Piccoma (coréenne également), Delitoon (créée par un Français, rachetée par un groupe coréen) et Verytoon (création du groupe Delcourt). Les intrigues ? Il y en a pour tous les goûts, ou presque. « Notre objectif, c’est de ratisser large, pour conquérir une part croissante des 12-34 ans », nous indique très clairement Émilie Coudrat, responsable marketing de la plateforme Webtoon en France. Sur fond de romance s’offrent ainsi, au choix, magie, mythologie, fantasy, politique-fiction, meurtres, énigme, affaire d’espionnage, aventure historique ou campus novel… Des histoires qui rencontrent leurs jeunes lecteurs et surtout, lectrices : numéro un du marché, la seule plateforme Webtoon affiche plus de 2 millions d’abonnés dans l’Hexagone. À la clé, des stratégies disruptives.