Pourquoi l'amour fait mal

Pourquoi l’amour fait mal. 
L’expérience amoureuse dans 
la modernité
. Eva Illouz, Seuil, 2012.

Souffrances, refus de s’engager, incapacité de choisir, 
marchandisation du sexe, évaluation permanente de l’autre, psychologisation extrême des rapports amoureux… L’économie sexuelle et émotionnelle propre à la modernité laisse les individus désemparés.

Avec l’avènement de la « modernité tardive », nous assistons à ce que la sociologue Eva Illouz appelle la « grande transformation de l’écologie amoureuse », faisant là un clin d’œil à l’économiste Karl Polanyi.

E. Illouz prend appui sur les romans d’amour du XIXe siècle pour étayer son propos. Autrefois donc, on se mariait en se choisissant à l’intérieur de son groupe social ; les règles de la morale et d’une endogamie beaucoup plus forte qu’aujourd’hui restreignaient les choix. Le mariage sans passion qui provoque les affres de l’Emma Bovary de Gustave Flaubert, le déchirement de Catherine qui ne peut se marier à l’homme qu’elle aime dans Les Hauts de Hurlevent d’Emily Brontë… Toutes ces souffrances occasionnées par l’amour romantique ne seraient rien au regard du mal d’amour dont souffrent nos contemporains !

Le propos peut surprendre et mérite quelques explications. Dans son dernier livre, E. Illouz développe longuement et méthodiquement les transformations des relations amoureuses et les raisons de ces changements.

Dans les sociétés actuelles, la reconnaissance de son identité personnelle a supplanté la reconnaissance par le genre ou par la position sociale.

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Dans ce cadre, souligne E. Illouz, la sexualité et l’amour sont devenus des composantes majeures de l’estime de soi. En témoigne le succès des innombrables ouvrages de self-help (Dating for Dumbies – Séduire pour les nuls – Mars et Vénus se rencontrent, etc.) qui placent au premier plan la confiance en soi, la connaissance de ses propres émotions, le pouvoir de séduction qui pourra nous mettre « bien avec nous-mêmes ». Mais le problème, c’est que cette valeur du moi dépend de l’évaluation de l’autre et demande à être sans cesse réassurée.