Pourquoi une expansion aussi rapide ?

En un siècle, les armées musulmanes ont conquis un empire démesuré, de l’Espagne à l’Inde. Plusieurs facteurs ont contribué à ces conquêtes.

Surgissant de leur désert, les compagnons de Muhammad* 5 déferlent comme un ouragan sur tout le Proche-Orient, animés par la même mission : répandre l’islam à travers le monde. En quelques années, la Palestine, la Syrie, l’Irak, l’Égypte (640) et le Maghreb jusqu’à l’Espagne tombent entre leurs mains. À l’est, l’Arménie (653) et tout l’Empire perse sont effondrés. Parties de La Mecque en 632, les armées de l’islam sont à Samarcande, aux portes de la Chine, en 712, et à Poitiers, au cœur de l’Europe, en 732. C’est le miracle du Coran, expliquent fièrement les croyants. Et de fait, dans cette expansion phénoménale, l’historien voit lui aussi un miracle, qu’il se doit d’expliquer.

 

Les sources

Les sources arabes relatives aux premières conquêtes de l’islam sont assez nombreuses. L’ouvrage principal qui nous est parvenu dans son intégralité sur ce sujet est celui d’al-Balâdhuri, Futûh al-Buldân, la Conquête des pays. Musulman arabe d’origine persane, mort en 892, cet historien s’est servi des chroniques arabes antérieures. Celles-ci rapportaient des faits sous forme de hadîth*, certifiés par la chaîne classique de transmetteurs, système dont la fragilité historique est généralement reconnue, d’autant plus que la fixation par écrit ne s’est faite que deux siècles après les événements. Dans ce cas précis, il ne s’agit pas d’un exposé de doctrine de l’islam, mais de récits de guerre. Hadîth ou pas, les faits sont là : la domination, et souvent l’occupation de territoires immenses, étrangers à l’Arabie, ont été effectivement réalisées. Restent toutefois à examiner l’esprit et la manière dont ces conquêtes ont été menées.

En plus des sources arabes, on connaît depuis quelques décennies, et de mieux en mieux, des documents non arabes écrits par des chroniqueurs des pays qui ont subi les invasions musulmanes. Il s’agit principalement de textes en syriaque, en arménien, en copte et en grec, contemporains ou presque, en tout cas bien plus proches des événements que les chroniques arabes.

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Ces textes confirment la rapidité de la conquête et décrivent, à l’aide de témoins oculaires, le comportement des conquérants, dès leur irruption hors d’Arabie en 629.

 

Les deux grands empires

Pour tenter de comprendre la rapidité de l’expansion arabe, il faudrait d’abord rappeler l’état des lieux à l’apparition des conquérants. Deux grands empires, le sassanide et le byzantin, dominent tout l’Orient. Contemporain de Muhammad (≈ 570-632), l’empereur sassanide Chosroès II règne sur la Perse de 590 à 628. À partir de 603, il lance ses armées sur la Syrie et l’Asie Mineure : elles accaparent les récoltes et ravagent tout sur leur passage. De 612 à 621, les Perses prennent la Syrie, Antioche, Damas, Jérusalem, et même l’Égypte. En 614, ils mettent la main, dans un bain de sang, sur les trésors des églises et, de Jérusalem, emportent chez eux en triomphe la relique de la Sainte Croix : suprême offense pour les chrétiens.