Préhistoire : comment devient-on un artiste ?

L’art préhistorique est très codifié, transmis au fil du temps en respectant des styles de maîtres à apprentis. Des indices démontrent que ces œuvres étaient confiées à des spécialistes : autant dire à de véritables « artistes ».

Les préhistoriens débattent depuis un siècle sur la façon d’interpréter l’art préhistorique : s’agit-il de magie de la chasse ? De chamanisme ? De totémisme ou de récits mythologique ? Le débat est sans cesse relancé. Une chose cependant ne laisse guère de doute : l’art préhistorique, qu’il soit mobilier (statuettes, armes et outils gravés) ou rupestre (peint ou gravé sur des parois rocheuses) est le fait de véritables artistes. Certaines réalisations sont de véritables chefs-d’œuvre. L’abbé Breuil, grand préhistorien du 20e siècle, parlait de Lascaux comme la « chapelle Sixtine de la préhistoire ». La grotte Chauvet, avec ses figures de lions au réalisme stupéfiant est unanimement reconnue comme un chef-d’œuvre artistique. Certes, il est d’autres représentations plus rudimentaires, mais elles ne peuvent jamais être tenues pour des productions naïves réalisées au gré de son inspiration par le premier Cro-Magnon venu. Plusieurs éléments permettent de dire que l’art préhistorique est un art très codifié, réalisé par des spécialistes formés en tant que tels : autant dire des artistes.

Partons dans le Sud de l’Europe 1 où se trouve concentrée une grande partie de l’art préhistorique du Paléolithique supérieur (à partir de - 40 000 ans). Le premier élément qui confirme l’existence d’un art codifié est l’unité des thèmes composés pour l’essentiel de grands animaux, de quelques représentations humaines (dont les fameuses mains) et de nombreux traits graphiques. Les animaux sont toujours de grands mammifères (chevaux, aurochs, bisons, rennes, mammouths), très rarement des oiseaux ou des poissons, jamais des renards, des lapins ou des souris. Les éléments naturels comme les arbres, les fleurs, le Soleil ou la Lune sont inexistants. Les animaux ne sont jamais mis en scène à l’exception de la fameuse scène du puits de Lascaux qui a donné lieu à tant de commentaires 2.

L’existence de ces styles indique qu’on a bien affaire à des traditions artistiques très codifiées et transmises d’un artiste à l’autre et d’une génération à l’autre. Cela suggère aussi une relation hiérarchique entre des « maîtres », chargés de transmettre leur savoir et des apprentis qui acquièrent leur art après une phase d’apprentissage.