Quel point commun entre une mère de famille, une infirmière ou une aide ménagère ? Toutes trois doivent au quotidien prendre soin des autres et les aider, souvent de la manière la plus concrète qui soit. Il y a bien sûr des différences. L’aide ménagère et l’infirmière sont des professionnelles rémunérées alors que ce n’est pas le cas de la mère de famille qui s’occupe de ses proches. Les tâches ne sont également pas les mêmes : l’infirmière intervient davantage sur le plan médical alors que le travail de l’aide ménagère ou de la mère ont une dimension plus domestique : faire les courses, le ménage, même si la mère a un rôle plus large, notamment éducatif. En dépit des différences, il apparaît pourtant pertinent d’établir un rapprochement entre ces trois fonctions. C’est là tout l’apport d’un courant de recherches apparu il y a plus d’une vingtaine d’années aux Etats-Unis, le « care ». Ce terme anglais, qu’on ne peut qu’imparfaitement traduire en français, désigne aussi bien des soins prodigués qu’une certaine disposition affective ou morale, l’attention portée à autrui. Ce double sens est éloquent. Il établit un lien entre un sentiment et des actes. N’est-ce pas par amour que la mère prend soin de son enfant ? N’attend-on pas des professions d’aide à la personne outre des services une certaine sollicitude, de l’attention ?
Le care, une affaire de femmes ?
C’est ce lien notamment que les travaux sur le care interrogent. Longtemps ignorés en France, ils donnent aujourd’hui une nouvelle impulsion aux recherches (1) en particulier en économie, sociologie et psychologie du travail. Ils conduisent ainsi à marquer la spécificité des professions qui fournissent des soins aux personnes, qu’ils soient médicaux, sociaux, psychologiques ou domestiques. Comme le montre notamment Pascale Molinier (voir l’article p. 36), il s’agit là de professions dont le travail pâtit d’une certaine invisibilité (bien souvent parce que l’on considère que l’attention qu’il engage est « naturelle ») et d’un manque de reconnaissance indéniable. On tend à sous-estimer la pénibilité – tant physique que psychologique – des tâches qu’il recouvre et à considérer que les soins vont de pair avec l’attention et l’empathie que ne devraient pas manquer de ressentir ceux qui les prodiguent. Or la réalité peut être plus ambivalente et les professionnels font appel à de nombreuses stratégies pour contrecarrer l’usure, l’impatience, le dégoût ou l’agressivité qui peuvent survenir et menacer leur équilibre psychologique.