Pour Shelly Gable et Jonathan Haidt, la psychologie positive est « l’étude des conditions et des processus qui contribuent à l’épanouissement ou au fonctionnement optimal des personnes, des groupes et des institutions 1 ». Cette approche dépasse donc largement la seule psychologie du bonheur individuel et se décline à trois niveaux : personnel, interpersonnel et sociétal. La plupart du temps, elle constitue un ensemble fédérateur rassemblant des thèmes déjà étudiés auparavant : la motivation, l’optimisme, l’empathie, etc. Parfois, elle propose des thèmes innovants : la passion, les émotions positives, les forces de caractère, l’élévation (émotion ressentie en prenant connaissance d’actes de beauté morale).
Elle est donc un complément logique au corpus de recherches sur la psychologie clinique et la psychopathologie.
1 - Le niveau individuel
Le sentiment d’efficacité personnelle (SEP) - Ce concept, élaboré par Albert Bandura, considéré comme le plus éminent psychologue vivant, désigne « la croyance de l’individu en sa capacité d’organiser et d’exécuter la ligne de conduite requise pour produire des résultats souhaités 2 ». Selon A. Bandura, le sentiment d’efficacité personnelle a de multiples conséquences : il influence la ligne de conduite, la quantité d’effort, le niveau de persévérance devant les difficultés et les échecs, la résilience face à l’adversité et le niveau de réussite. Inversement, si une personne estime ne pas pouvoir produire de résultats, elle n’essaiera pas de les provoquer ou abandonnera rapidement face aux difficultés.
Des centaines d’études ont ainsi montré que les performances (qu’elles soient scolaires, sportives, professionnelles, etc.) sont plus prédites par le sentiment d’efficacité que par l’aptitude actuelle de la personne. En voici quelques exemples.
• Santé : parmi de gros fumeurs ayant décidé d’arrêter de fumer par eux-mêmes, ceux qui ont réussi avaient initialement un SEP plus élevé que ceux qui n’ont pas tenté de s’arrêter ou qui ont rechuté après leur tentative.
• École : des études menées auprès d’élèves français ont mis en évidence l’importance du SEP quant à la capacité d’écriture ou au recours à des stratégies métacognitives. Par ailleurs, plus le sentiment d’efficacité personnelle est augmenté, plus l’anxiété des élèves est faible et plus leurs notes s’améliorent.
• Sport : le sentiment d’efficacité personnelle a un impact dans les différentes expériences qu’est amené à vivre le sportif, tant dans les phases d’acquisition des compétences sportives que dans la gestion du stress en compétition, la gestion de la douleur et le rétablissement après blessure. Il peut également être question d’efficacité collective d’équipe. Les joueurs se mettent à son service plutôt que de chercher à se mettre en valeur individuellement, ils coordonnent leurs efforts dans un travail collectif qui conduit à des résultats de qualité.
• Entreprise : le sentiment d’efficacité joue un rôle avant même l’entrée dans la vie professionnelle. Les individus éliminent ou choisissent des catégories entières de professions en se basant sur leur sentiment d’efficacité. Ainsi, ce ne sont pas l’expérience ou les compétences en elles-mêmes, mais les croyances d’efficacité personnelle formées à partir de l’expérience qui façonnent les performances scolaires et les choix professionnels. Par la suite, plus le sentiment d’efficacité est élevé, plus le comportement de recherche d’emploi et le taux d’embauche sont efficients.
Le sentiment d’efficacité repose sur plusieurs facteurs.
• Les succès antérieurs constituent le facteur le plus important. La confiance se construit logiquement plutôt sur les réussites que sur les échecs.
• L’apprentissage social. Les personnes apprennent ou évaluent leur niveau de compétence aussi en observant les autres. Ce sont les sujets dont les caractéristiques (âge, sexe, etc.) sont les plus proches qui sont les plus susceptibles d’être source d’information.
• La persuasion par autrui est importante, à condition toutefois qu’il s’agisse d’encouragements réalistes et sincères.
• Les états physiologiques et émotionnels sont une quatrième source d’information. Dans des situations stressantes, les personnes peuvent les interpréter comme des signes de vulnérabilité, ce qui va diminuer leur sentiment d’efficacité. C’est pourquoi l’acquisition de techniques de gestion du stress peut s’avérer déterminante.
Les émotions positives - Il existe une famille d’émotions positives telles que la joie, l’amour, le bonheur, le plaisir sensoriel, l’émerveillement, la fierté, l’intérêt, etc. C’est le ressenti du plaisir ou de la douleur qui donne à l’expérience émotionnelle son caractère spécifique.
Cependant, de nombreux chercheurs considèrent que toutes les émotions ont une valeur adaptative et qu’elles servent à motiver et à réguler les états physiologiques, les pensées et les comportements. Par exemple, la peur peut nous inciter à fuir une situation dangereuse.
La théorie de l’élargissement constructif de Barbara Fredrickson. Les caractéristiques des émotions positives ont suscité de nouveaux axes de recherche, en particulier sous l’impulsion de Barbara Fredrickson et de son approche théorique « broaden and built », traduite en français par théorie « étendre et développer » ou par théorie de l’élargissement constructif.