Jean Wirth
Il a consacré une grande partie de sa carrière d’historien à l’étude des images du Moyen Âge. Ses recherches l’ont conduit à une réflexion théorique sur la notion d’image et sur le pouvoir qui leur est souvent attribué. Dans son livre Qu’est-ce qu’une image ? (Droz, 2013), il prend ses distances face aux thèses couramment admises sur la puissance des images.
Le titre de votre livre Qu’est-ce qu’une image ? est déroutant car, au premier abord, la réponse semble évidente.
Justement, c’est une fausse évidence qu’il faut questionner. Généralement, on qualifie aujourd’hui d’images toutes les représentations visuelles dont le support est plat : un dessin, une peinture, une gravure, une photo, une radiographie, une affiche, le cinéma… Cette conception courante imprègne même les études universitaires sur l’image.
Or de l’Antiquité au début du 20e siècle, l’image se définissait comme un objet fait à l’imitation d’un autre : c’est autant le cas d’une sculpture qui est tridimensionnelle que celui d’une peinture.
Inversement, les œuvres contemporaines qui relèvent de l’art abstrait, comme les monochromes d’Yves Klein, ne peuvent être considérées comme des images. Ce sont des tableaux qui ne représentent rien. Une image renvoie à quelque chose du monde extérieur.
Mais les images de personnages imaginaires : le loup du Petit Chaperon rouge, Les Trois Petits Cochons sont des produits de l’imagination et non des représentations du réel ?
Saint Bonaventure avait déjà répondu à cette objection à sa façon au 13e siècle. Si je représente un être chimérique – comme un dragon ou un centaure – il s’agit toujours d’une forme d’imitation du réel, car ces figures imaginaires sont composées d’éléments imitant des objets bien réels, ainsi le corps du cheval et le buste de l’homme dans le cas du centaure.