Comment devient-on schizophrène ?
La schizophrénie touche environ 1 % de la population en France et au niveau mondial. L’entrée dans la maladie se situe en général vers la fin de l’adolescence ou le début de la vie adulte. Une période d’importants changements à la fois sur le plan neuronal et sur le plan psychologique (séparation des parents, choix d’un partenaire, choix professionnels…). Des facteurs qui rendent probablement plus vulnérable la personne à cette période de la vie.
La maladie peut apparaître de manière brutale ou progressive. Dans le premier cas, on parle de bouffée délirante aiguë, un épisode où la personne change brusquement de comportement. Apparaissent des idées délirantes ; son langage se modifie et devient incompréhensible ; elle se sent investie d’une mission ou persécutée. Le comportement devient instable, agressif parfois. Des facteurs spécifiques peuvent être à l’origine de ce type de décompensations, comme un évènement traumatique (séparation, deuil…), un problème d’ordre relationnel ou professionnel ou encore la consommation massive de substances psychoactives. L’épisode délirant peut rester isolé et se résorber au bout de quelques semaines ou bien les symptômes peuvent persister et évoluer soit vers un trouble bipolaire, soit vers la schizophrénie.
À l’inverse de la bouffée délirante, l’entrée progressive dans la maladie s’étale sur plusieurs mois. Certains signes peuvent alerter, comme la diminution des performances scolaires ou professionnelles, une certaine inertie, des croyances bizarres (être doté de pouvoirs exceptionnels, interprétations farfelues d’évènements banals…), la perception d’un environnement ou d’un corps « modifié », la solitude volontaire ou encore le fait d’entendre des voix. Avec le temps, ces bizarreries risquent de s’intensifier et devenir plus visibles.
Différents facteurs organiques, psychologiques et environnementaux peuvent provoquer l’entrée dans la maladie. Certains chercheurs décrivent des particularités neuronales : des lobes cérébraux réduits, des espaces liquidiens plus développés, des neurones mal positionnés, de taille anormale ou désorganisés, des connexions interneuronales perturbées. Ces anomalies seraient peu évolutives, on les retrouverait de la même manière en début de maladie que bien plus tard. On suppose que ces anomalies sont présentes dès la naissance. Mais pourquoi une expression si tardive alors ? Selon certains chercheurs, les processus de maturation cérébrale, hormonale et psychique au moment de l’adolescence mettraient au jour ces anomalies.
Au niveau biochimique, on constate un excès de dopamine dans le système nerveux central, ce qui peut amener ces personnes à accorder plus d’importance que nécessaire à certains phénomènes environnementaux. Ce déséquilibre peut donc mener à une forme d’excès de fonctionnement, une « hyperconscience » qui peut expliquer certaines idées délirantes par exemple.
Plusieurs gènes semblent également contribuer au développement de la schizophrénie. On retrouve un risque accru chez les vrais jumeaux schizophrènes (même élevés séparément). À ces facteurs génétiques, s’ajoutent des facteurs environnementaux : des complications obstétricales, une infection survenue au deuxième trimestre de la grossesse chez la mère ou des carences alimentaires pendant la grossesse peuvent agir sur le développement du cerveau.
Si certains auteurs considèrent la schizophrénie comme un trouble neurodéveloppemental, d’autres insistent davantage sur les facteurs psychosociaux. Le fait d’avoir vécu un traumatisme (violences physiques ou psychologiques dans l’enfance) multiplierait par 50 le risque de schizophrénie par exemple. Des hypothèses plus anciennes évoquent un contexte familial propice au développement de la maladie, caractérisé par une mère hyperprotectrice et hostile à la fois et un père physiquement ou psychiquement absent. Le psychologue britannique Gregory Bateson a notamment développé la théorie de la double contrainte qui met la personne schizophrène face à des choix impossibles. Des injonctions paradoxales de type « Fais ta vie. Reste avec moi ! » l’enfermeraient dans un système où quoi qu’elle dise et quoi qu’elle fasse, elle aura toujours tort. Mais ces hypothèses n’ont jamais réellement pu être démontrées scientifiquement.