Qu'est-ce que le care ?

Soin et médecine sont-ils synonymes ? Non, répondent les Anglo-Saxons, qui ont créé à cet effet la notion de care. Fertile, elle oblige à repenser les relations entre soignants et soignés.

On parle aujourd’hui beaucoup du care. Cette notion venue du monde anglophone a la spécificité de réfléchir sur le soin et la santé sans les médicaliser. Si l’on reprend les mots de la langue anglaise, care n’est pas cure. To cure veut dire guérir. Le domaine du soin curatif implique une urgence vitale portant l’heureuse possibilité de la guérison contre toute crainte de ne pas pouvoir soigner une maladie. Le soin au sens de cure promet le retour à la santé perdue, suite à l’ébranlement que constitue l’entrée dans la maladie. Le malade, le personnel médical et les proches envisagent tous le retour à la normalité qui réside dans la possibilité d’être soigné puis guéri. Cure et santé sont donc intrinsèquement liés, la santé constituant l’horizon espéré de ce soin, le normal et le pathologique étant différenciés par le surgissement de la maladie. Le registre du care est tout autre. Il est d’abord lié à la banalité des vies humaines comme en témoigne l’expression take care of you (prends soin de toi). Il manifeste également un souci : to care about (se soucier de, faire attention à). À chaque fois, il désigne un lien, un univers relationnel. Le care met en avant la dimension relationnelle du soin.

La voix des femmes

Qu’est-ce que la santé ? La santé est sans histoire tant que l’on n’a pas fait l’épreuve de la maladie. Comme l’écrivait le chirurgien René Leriche : « La santé, c’est la vie dans le silence des organes. » Toutefois, dès qu’elle est troublée par une maladie, même quand il y a guérison, c’est une nouvelle santé renégociée dont il est question. La guérison n’est jamais exactement le retour à la santé initiale. Cette analyse de la santé, et plus encore, le développement des maladies chroniques ou de longue durée (sida, cancer, etc.) ont permis de poser à nouveaux frais la question des relations dans le soin et l’implication des soignants dans des contextes de répétition de tâches qui ne mènent pas forcément à une guérison.

La viabilité de l’organisme ne dépend pas seulement de la guérison : on peut être malade et continuer à vivre grâce à des relations de soin qui s’avèrent alors prépondérantes et qui impliquent toute une chaîne de soin : des soins médicaux (cure) et un prendre soin général (care).

Plus spécifiquement, le care témoigne de relations longues, d’interactions entre des individus singuliers qui valent par leur expressivité, leur singularité, des ententes et des mésententes. Le care suppose un travail engagé dans la relation humaine. Le livre de Rita Charon, Médecine narrative (traduit de l’américain aux éditions Sipayat, 2015) ou les travaux de Maria de Jesus Cabral à l’université de Lisbonne mettent en avant le réductionnisme d’un modèle de relations de soin fondé uniquement sur le cure et défendent au contraire de nouvelles formes de pratique clinique.