Qu'est-ce qui change quand on change de religion?

La conversion religieuse n’est pas seulement le fruit d’un cheminement intime. Elle se négocie aussi en fonction de son héritage et de son entourage et requiert des épreuves qui attestent de la force de sa nouvelle adhésion.

L’une des caractéristiques de la modernité religieuse, explorée notamment par Danièle Hervieu-Léger, est la fin des traditions religieuses héritées (la fin de la religion des grands-parents) au profit du choix désormais individuel de s’inscrire, ou pas, dans une tradition religieuse. Toujours selon D. Hervieu-Léger, les façons de croire aujourd’hui oscillent entre deux figures types, le pèlerin, qui « papillonne » entre croyances diverses et lieux sacrés et le converti qui décide, de lui-même, de s’ancrer dans une Église (1).

Quel est le point commun entre le footballeur Franck Ribéry, le terroriste britannique Richard Reid (« the shoe-bomber »), le chorégraphe Maurice Béjart, le peintre orientaliste Étienne Dinet et le chanteur Cat Stevens ? Tous ces personnages plus ou moins célèbres ont entrepris une démarche à la fois suspecte et intrigante, la conversion religieuse (en l’occurrence ici, ils sont convertis à l’islam). Tous, dans les rares récits qu’ils font (ou ont faits), insistent sur la dimension du changement intérieur et sur l’aboutissement d’une trajectoire. La conversion religieuse serait ainsi un grand chamboulement intime tout en étant un cheminement d’une rare régularité puisque tous affirment qu’ils sont restés les mêmes. Alors, qu’est-ce qui change lorsqu’on change de religion ?

 

Un processus et des procédures

Les conversions religieuses sont observables d’un point de vue sociologique si l’on prend en compte un cheminement qui commence généralement par une quête et s’achève par une intégration (dans une nouvelle Église). Lewis Rambo, spécialiste des conversions religieuses, en propose sept étapes : le contexte (propice à un changement), la crise, la quête, la rencontre, l’interaction, l’engagement et les conséquences de cet engagement (2). Ces étapes croisent trois « figures du converti » que rapporte D. Hervieu-Léger : l’individu qui « change de religion », celui qui, n’ayant appartenu à aucune Église décide « d’entrer en religion » et enfin le « converti de l’intérieur », celui qui se réaffilie à son Église d’origine (3).

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La sociologie des conversions religieuses prend donc en compte des trajectoires identifiables qui s’achèvent toujours par l’adhésion à une Église et sont marquées par un rituel (bain rituel ou mikvé dans le judaïsme, formule sacrée, shahada dans l’islam et baptême dans le protestantisme et le catholicisme). Prendre en compte la dimension de l’adhésion à une religion permet de souligner les tensions qui existent entre les attentes des convertis et les réponses de l’Église, qui ne sont pas forcément en adéquation.

En effet, tout oppose une Église chargée de la gestion au long court d’une communauté de croyants et des convertis qui se situent dans une démarche individuelle, immédiate, souvent émotionnelle, et dont la prise en charge s’avère délicate. Des hommes et des femmes sont spécialement formés pour accueillir les candidats à la conversion, pour déceler le bien-fondé de leurs motivations, ordonner leurs émois, et parfois, pour leur signifier un refus.