Alors qu’en 2010 des polémiques médiatisées présentent la psychanalyse comme un acquis monolithique à chérir ou à démythifier en bloc, il est bon de lire cet imposant ouvrage d’Alain de Mijolla. Le fondateur de l’Association internationale d’histoire de la psychanalyse nous rappelle que malgré les apparences, Sigmund Freud a toujours été controversé, critiqué, y compris et surtout en France. D’ailleurs, si l’on avait dit à Freud qu’au XXIe siècle, les plus fervents partisans de la psychanalyse seraient français, il aurait eu du mal à le croire, tant ses idées ont eu du mal à irriguer nos contrées… Peut-être parce qu’il rompait avec les grands noms de la psychiatrie et de la psychologie de son époque, dont beaucoup étaient français, tel le prestigieux Pierre Janet. Sans doute aussi parce que, germanophobie oblige, ses livres ne furent réellement traduits et diffusés que dans les années 1920, où ils suscitèrent d’abord des réactions ambivalentes auprès de quelques artistes et écrivains dans le sillage des éditions Gallimard et Grasset, tel André Gide, qui qualifia Freud d’« imbécile de génie ». Les surréalistes, passionnés par les aspects libératoires et sulfureux de la psychanalyse, y firent référence sans connaissance approfondie du sujet. Quant à la Société psychanalytique de Paris (SPP) fondée par Marie Bonaparte en 1926, son influence fut d’abord anecdotique. Les quelques médecins qui suivirent le mouvement, rarement (ou mal) analysés eux-mêmes, se demandaient surtout comment faire rentrer la psychanalyse dans le rang de la psychiatrie.
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