Que valons-nous ?

La Valeur des personnes. Preuves et épreuves de la grandeur, Nathalie Heinich, Gallimard, 2022, 416 p., 25 €.

Comment se définit la valeur des personnes ? La sociologue Nathalie Heinich propose une analyse fine de nos critères d’évaluation.

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Juger les qualités d’une personne est un acte assez banal. Il y a ceux qu’on apprécie et ceux qu’on n’apprécie pas. Dans son dernier livre, la sociologue Nathalie Heinich explore les processus et les critères qui président à ces attributions de valeurs. Elle prolonge ainsi ses réflexions entreprises en 2017 avec Des valeurs. Une approche sociologique, qui portait spécifiquement sur la valeur des objets. Cette fois-ci, il est question de la valeur des personnes. En toile de fond, l’ambition plus large de comprendre comment les inégalités sociales se forment à partir des multiples évaluations quotidiennes auxquelles nous procédons.

Ancrée dans la sociologie compréhensive et pragmatique, l’approche de N. Heinich se déploie à rebours de l’approche dite « critique » héritée de Pierre Bourdieu. L’autrice considère que cette conception de la vie sociale ne permet pas pleinement de comprendre comment se fabriquent les inégalités. En effet, l’étude des inégalités passe principalement par des critères de statuts (les catégories socioprofessionnelles, le genre, la « race »). Or, explique N. Heinich, les inégalités ne sont pas des entités abstraites réduites à des écarts de salaires par exemple. Elles se créent par les multiples petites évaluations auxquelles nous sommes soumis chaque jour. L’autrice inverse le point de vue, et souligne le besoin de chacun de connaître sa valeur. Elle considère que le besoin de reconnaissance est une « pulsion » humaine difficilement contrôlable.

Dix registres de valeurs

La sociologue refuse d’emblée de mobiliser les outils classiques que sont les questionnaires et les entretiens : basés sur des déclarations individuelles après coup, ils sont, selon elle, artificiels. L’observation étant impossible tant les situations jugées sont plurielles, elle a choisi d’opérer à partir d’une revue de littérature : les travaux des sciences humaines et sociales, les œuvres de fictions (quand elles parlent de faits réalistes) et les autobiographies.