Quelques héros de la spiritualité chinoise

Un Chinois n’est ni taoïste, ni confucianiste, ni bouddhiste, ni athée, mais tout ça à la fois, par alternance s’il le faut. Plongée en pragmatisme religieux.

Les Chinois vivent dans un monde étrange. Un univers de réseaux reliant visible et invisible, un entrelacs de dons et de contre-dons, qui fonctionne aussi pragmatiquement au niveau social qu’au niveau spirituel, et qui ne correspond en rien à ce dont nous avons l’habitude dans le monde indo-européen.

Claude Roy, lors d’un séjour en Chine au début des années 1950, raconte qu’il assiste à la sécularisation d’un petit temple dédié au dieu du sol, que le nouveau régime « rend au peuple », en le transformant en grenier collectif. Bavardant avec le gardien de l’ancien sanctuaire, il lui demande s’il n’est pas triste de voir la statue du dieu local évacuée et détruite ? Et ce dernier lui répond : « Oh vous savez, c’était un vieux dieu, il n’était plus très efficace. »

Au début des années 1980, à l’occasion d’un des voyages touristiques que j’accompagnais, au temple des Lamas, sanctuaire tibétain au cœur de Pékin, voici qu’un groupe de jeunes, portable dans la poche et sac fluo à l’épaule, s’approche du temple principal. Et là, bâtonnets d’encens tenus à deux mains, visage perdu dans une sorte de révérence attentive, chacun se prosterne successivement dans les quatre directions. J’interroge alors le guide chinois de notre groupe : « Ces jeunes, quel dieu sont-ils en train de prier ? »

Il me répond sans sourciller : « Ils ne prient pas, ils négocient.

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– … !

– Oui, ils ont leurs partiels dans quinze jours, alors ils mettent toutes les chances de leur côté. »

 

Mao Zedong, protecteur des automobiles

À l’automne 1993, la Chine se préparait à célébrer le centenaire de la naissance de Mao Zedong (né le 23 décembre 1893). On vendait partout des petites photos plastifiées de Mao, munies d’une cordelette pour pouvoir les accrocher. Les Occidentaux ne voyaient là qu’une sorte d’avatar oriental du culte soviétique de la personnalité. Pourtant, un détail peu remarqué disait autre chose : au bas de ces portraits pendaient de chaque côté des sortes de filaments ressemblant aux embrasses de rideaux des appartements bourgeois.

Ce n’était pas pour faire joli qu’on les avait disposés là, mais pour une raison bien plus sérieuse : protéger des méfaits des mauvais esprits, les gui et autres fantômes malfaisants.

Ce genre de pompons à filaments est un dispositif traditionnel de défense très courant en Chine, on le trouve entre autres dans tous les temples. Son efficacité vient des mouvements aléatoires des filaments provoqués par les courants d’air qui effraient les esprits malfaisants et donc les éloignent.