Comment peut-on connaître les religions de la préhistoire ?
Le 3 août 1908, deux jeunes abbés, Amédée et Jean Bouyssonie, férus de recherches archéologiques, font une découverte qui va bouleverser le monde de la préhistoire. Sur le site de La Chapelle-aux-Saints (Corrèze) où, depuis trois ans, ils fouillent un lieu qui regorge de silex et d'ossements, les deux frères découvrent à l'entrée d'une grotte le squelette complet d'un homme préhistorique. En soi, la découverte constituait déjà un événement en ce début de XXe siècle. Mais l'émotion des hommes est encore plus forte car il est manifeste que ce corps a été enterré là intentionnellement, il y a des milliers d'années : il s'agit bien d'une tombe préhistorique.
Le squelette de La Chapelle-aux-Saints était placé dans une fosse creusée à cet effet ; le corps était couché sur le dos et la tête calée contre quelques pierres. Les jambes étaient repliées et reversées sur la droite. Au-dessus de la tête avait été déposée une patte de bovidé. Autour du corps, on trouvera aussi des éclats de quartz, des silex bien travaillés. Malheureusement ces beaux silex furent volés par un ouvrier qui travaillait sur le chantier.
La nouvelle fit grand bruit. Elle remettait en cause bien des certitudes. Personne n'était vraiment prêt à admettre que les hommes de la lointaine préhistoire, du paléolithique ? l'âge de la pierre taillée ? puissent enterrer leurs morts. Et encore moins que l'homme de Neandertal, que l'on prenait (et que l'on prendra encore longtemps, y compris dans la communauté scientifique) pour une sorte de brute, à mi-chemin entre l'homme et la bête, puisse être animé d'un comportement aussi « humain » que l'enterrement de ses morts. Dans les années qui suivent, d'autres découvertes vont venir confirmer celle des frères Bouyssonie. En 1909, à La Ferrassie (Dordogne) est mise au jour une autre tombe préhistorique. Puis une autre en 1914 au Moustier. On retrouve les mêmes caractéristiques : fosses creusées, corps placé dans une position particulière, parfois restes d'animaux et outils déposés à proximité du corps. Le doute n'est plus permis. Les hommes de la préhistoire ont bien enterré leurs morts. Et sans doute pensaient-ils, comme en témoignent les offrandes associées, que les défunts allaient rejoindre un autre monde. Neandertal croyait-il donc à l'au-delà ?
A la même époque, d'autres découvertes viennent renforcer l'idée que les hommes préhistoriques avaient des préoccupations « spirituelles ». Dans le Sud de la France et en Espagne, non loin des lieux de fouilles où l'on retrouve silex et ossements, les grottes des environs sont ornées d'étonnantes peintures animales. Elles indiquent aux préhistoriens qu'au fond de ces grottes se pratiquaient sans doute des cultes magico-religieux où les esprit animaux tenaient une grande place.