Quelques jours avant le 11 septembre 2001, l’administration américaine de l’époque, celle de George W. Bush, dont le mandat n’a commencé que depuis neuf mois, est tout entière tournée vers la compétition entre grandes puissances à laquelle les États-Unis vont, selon eux, devoir faire face. Celle-ci s’annonce plutôt pacifique, avec une Russie stabilisée – Vladimir Poutine vient alors d’accéder au pouvoir – et une Chine modernisée – dont l’administration Clinton a tenté de faire un « partenaire responsable ».
La parenthèse de vingt ans, ouverte par le 11 septembre, est achevée. La rivalité entre grandes puissances demeure la caractéristique stratégique première de ce début de 21e siècle, mais elle s’annonce beaucoup moins pacifique qu’en 2001, les relations entre les États-Unis et la Chine, mais aussi la Russie, s’étant dégradées.
Une « nouvelle guerre froide » ?
En vingt ans, le rapport de la Chine au monde a changé. Selon tous les indicateurs traditionnels de la puissance, notamment économique (encadré ci-dessous), le pays est passé dans une nouvelle catégorie. Son rayonnement est mondial : en témoignent sa capacité d’investissement et d’acquisition à l’étranger ; le développement d’un réseau d’infrastructures de transport vers l’Asie centrale, le Moyen-Orient et l’Europe – les « routes de la Soie » ; enfin sa capacité de projection de moyens militaires loin de ses frontières, notamment via l’édification d’une marine hauturière, naviguant en haute mer (de leur base de Djibouti).
Une ambition se dessine : non pas imposer l’idéologie communiste, mais modeler le système international afin d’asseoir sa prééminence. Dans les institutions internationales, notamment l’Onu, Pékin cherche à imposer ses normes. En 2001, on pensait que la Chine voulait essentiellement dominer l’Asie. En 2021, elle cherche sans doute, à l’horizon 2049, centenaire de l’avènement de Mao, à dominer le monde.
C’est donc la compétition sino-américaine qui devrait dominer la scène internationale dans la première partie du siècle. Face à ce défi, les États-Unis s’organisent. Disposant déjà d’alliances solides en Asie, le pays cherche à renforcer la coopération avec l’Inde, le Japon et l’Australie, un format appelé Quad, appelé à être complété par d’autres partenariats tels que l’Aukus (pour Australia, United Kingdom, United States) créé en 2021. Se dessine ainsi une sorte d’entente de puissances maritimes dans l’Indopacifique pour contenir Pékin.
Henry Kissinger, pourtant favorable à une détente avec Pékin, admettait fin 2020 que nous étions « dans les contreforts d’une nouvelle guerre froide ».
L’analogie a ses limites. Il n’y a ni bloc américain ni bloc chinois. La Chine ne noue pas d’alliances défensives et préfère les États tributaires ou affidés, via sa puissance économique. Les États-Unis ne pourraient pas emmener l’Inde, qui tient à son indépendance, dans un système rigide d’engagements mutuels de défense. Et aurait du mal à faire de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) une alliance antichinoise – d’autant que la zone protégée par ce traité ne concerne que l’Europe et l’Atlantique nord.